Un orgue dantesque
Le grand orgue du temple d’Amiens, à l’histoire mouvementée, est sorti des limbes grâce à l’organiste Antoine Thomas. Quentin Lagny attisera L’enfer de Dante sur ses claviers le 29 novembre.

© Sébastien Coquille / Amiens Métropole
27.11.2019
JDA 930
Antoine et Quentin sont amis, n’ont pas trente ans et partagent la passion de l’orgue. Pas électronique : à vent. Donc massif. Antoine Thomas, qui jouait dès ses 17 ans sur celui de l’église Saint-Pierre, son quartier, poursuit ses classes au Conservatoire national supérieur de Lyon. En 2013, il a commencé à remettre en état l’orgue du temple d’Amiens, dont il est devenu titulaire conservateur. De son côté, Quentin Lagny, bien qu’étudiant en cinéma, aime tâter de l’orgue : « Amiénois de naissance, je n’avais jamais joué sur celui-ci. J’ai découvert cet extraordinaire instrument grâce à Antoine. Quand il est arrivé, l’orgue était totalement muet ».
LEVÉE DE FONDS
Depuis, ce géant aux poumons d’acier retrouve progressivement sa voix. « Il n’est pas à 100 %, mais on peut déjà en tirer des choses étonnantes », poursuit Quentin Lagny, qui prépare ici un concert sur L’Enfer de Dante le 29 novembre après y avoir accompagné en 2018 une projection du Faust de Murnau. Les bénéfices seront reversés à l’association des Amis de l’orgue du temple d’Amiens, créée en 2016 pour remettre sur pied l’instrument. Mais pourquoi tant d’intérêt ? « C’est le seul d’Europe à avoir été construit pour un grand magasin », résume Quentin Lagny. Son histoire remonte à 1928 et à l’inauguration des Portiques des Champs-Élysées, « galerie Art déco ultramoderne, placée sous le triple signe des arts, de la littérature et du commerce », relate Antoine Thomas, chantre des orgues picards – qu’il répertorie d’ailleurs sur un site Internet. « Cette galerie a fait appel à la célèbre manufacture d’orgues Cavaillé-Coll. » Dans les années 1880, Aristide Cavaillé-Coll avait d’ailleurs restauré le grand orgue de Notre-Dame d’Amiens, qui va bientôt retrouver son souffle (lire ci-dessous).
HISTOIRE TOURMENTÉE
Celui du temple ne peut pour l’instant pas en dire autant. « Mais nous allons réussir à le restaurer, assure Antoine Thomas. J’ai aussi l’intention de le classer, il le mérite ! » Une nouvelle étape d’une vie tumultueuse. Car cet orgue « à la grande variété de timbres, très poétique », fut démonté en 1938 – l’ancienne galerie parisienne était devenue un cinéma. Racheté par Noyon, à la cathédrale dénuée d’orgue, il ne fut jamais installé faute de tribune. Puis arriva au temple d’Amiens en 1988, où il fut progressivement remonté : « Une opération louable qui le sauva, mais qui fut un peu bricolée ». Et l’instrument aux trois claviers de retomber en panne. Jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle génération...
//Jean-Christophe Fouquet

© Sébastien Coquille / Amiens Métropole
L’Enfer de Dante au temple d’Amiens (24, rue Jean-Catelas), le 29 novembre, 20h30
Texte lu par Tata Jacqueline
Accompagnement lumineux et sonore
Participation libre
Et à la cathédrale ?
L’orgue de chœur a déjà fait son retour après restauration. C’est au tour désormais du grand orgue, dont le chantier a été décalé d’un an. L’échafaudage y est attendu en décembre. Le début de trois ans de travaux.