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Il y a 80 ans : les bombes, l’exode et l’Occupation...

Retour sur ces mois de mai et juin 1940 où la population amiénoise, après avoir fui les bombardements allemands, découvrira une ville en ruine et occupée. 

Il y a 80 ans : les bombes, l’exode et l’Occupation... 1 © Archives municipales et communautaires d’Amiens / référence 7Fi28
La population qui a fui dès le 17 mai retrouvera une ville anéantie comme dans la rue au Lin (photo).
© Archives municipales et communautaires d’Amiens / référence 7Fi28

17.06.2020

JDA 948

On raconte que le brasier a duré cinq jours. Amiens : ville en flammes, après avoir été la proie des Stukas et de leurs bombes. En presque huit mois depuis la déclaration de guerre, il ne s’était rien passé ici. Voilà qu’avec ces deux journées des 18 et 19 mai, le centre-ville venait de disparaître. L’arrivée des panzers allemands au petit matin du 20 mai, ce spectacle brûlant de ruines et de désolation, peu d’Amiénois l’ont vécu au plus près. Moins de 5 000, tous terrés dans les caves, sur les 93 000 habitants recensés en 1936. L’immense majorité avait déjà pris la route de l’exode. Fuir pour échapper à la mort. Mais la messe était dite, Pétain au pouvoir et l’armistice signé. Il fut l’heure de revenir.

 

21 000 IMMEUBLES DÉTRUITS

 C’est à partir de la mi-juin que la population, au compte-gouttes, découvre l’ampleur de l’horreur : 21 000 immeubles détruits, 140 hectares rasés, plus de commerces, plus d’églises, plus d’eau, plus de gaz ni d’électricité. Mis à part sa cathédrale, c’est Amiens année zéro. Même abomination dans les communes alentour où les combats ont été intenses comme à Cagny, Remiencourt (avec le sacrifice du régiment d’infanterie coloniale) ou Rumigny, passé au lance-flammes par les Allemands et que ses habitants retrouveront encore fumant.

 

AVIS DE RECHERCHE

 Le retour des populations est timide. Les Amiénois ne sont que 20 000 mi-juillet, 66 000 en août, 85 000 en décembre. Le quotidien Le Progrès de la Somme publie des pages entières d’avis de recherche. Le Journal d’Amiens reparaîtra en décembre. Les deux étaient forcément pro-Pétain, comme beaucoup. À la Libération, les rédacteurs du Progrès écoperont de peines de prison, le directeur du Journal d’Amiens, de dix ans de travaux forcés. Le maire Lucien Lecointe, lui, ne reviendra pas, décédé pendant l’exode. Léon Debouverie officie. Cet ancien de Verdun, resté pendant les bombardements, gérant notamment les inhumations, avait été nommé par les Allemands le 17 juin 1940. Il ne put rien contre le rationnement individuel imposé à la population le 31 juillet 1940 : 300 grammes de pain par jour, 700 grammes de viande par semaine, 750 grammes de sucre par mois... Mais s’opposa aux réquisitions allemandes de stocks et de récoltes et aussi à celles des camions de sa propre entreprise. Cela lui valut d’être emprisonné en Allemagne. Son successeur en 1941, Pierre Rollin, n’aura pas ces soucis.

//Antoine Caux

 

Il y a 80 ans : les bombes, l’exode et l’Occupation... 2 © Archives municipales et communautaires d’Amiens / réf 7Fi65

L’église Saint-Germain au milieu du chaos.

© Archives municipales et communautaires d’Amiens / réf 7Fi65

 

CHRONOLOGIE

  • 10 mai Les blindés allemands foncent vers les Pays-Bas, la Belgique et la France. Amiens est survolé par les avions.
 Des réfugiés belges traversent la ville.
  • 17 mai Les services préfectoraux partent à Saint-Lô (Manche).
  • 18 mai Premiers bombardements. 
La gare Saint-Roch et la gare de triage de Longueau sont touchées. On compte des dizaines de morts.
  • 19 mai Les bombes pleuvent sur Amiens.
  • 20 mai À 9h, la 1re Division de panzer s’empare d’Amiens.
  • 6 juin Le front de la Somme est rompu.
  • 7 juin Toute la Somme est occupée.
  • 10 juin Le gouvernement s’installe en Touraine.
  • 14 juin Les Allemands défilent à Paris, le gouvernement descend à Bordeaux.
  • 16 juin Pétain, 84 ans, devient président du Conseil.
  • 17 juin Pétain demande 
aux Français « d’arrêter le combat ».
  • 18 juin Depuis Londres, de Gaulle lance un appel pour poursuivre la lutte.
  • 22 juin L’armistice est signé par Hitler et Pétain à Rethondes (Oise).
  • 25 juin La préfecture
 de la Somme revient à Amiens.
  • Juillet Le fleuve Somme sert
 de frontière entre la zone occupée et la zone interdite (pour laquelle il faut un laissez-passer).
  • 14 juillet 20 000 Amiénois sont rentrés à ce jour.
  • 31 juillet Le rationnement est instauré.
  • Août Les travaux de déblaiement commencent, les premières mesures antijuives du gouvernement de Vichy aussi.

 

Il y a 80 ans : les bombes, l’exode et l’Occupation... 3 © Bundesarchiv_Bild_146-1971-083-01,_Frankreich,_franzos̈ ische_Flüchtlinge

© Bundesarchiv_Bild_146-1971-083-01,_Frankreich,_französ̈ische_Flüchtlinge

 

« On a pris des couvertures et on est partis »

Gisèle Mille-Chabanne avait 6 ans en 1940. Cette amiénoise originaire d’Hébécourt se souvient de ces mois de mai-juin dramatiques.

« Dans le village, des hommes criaient : “Il faut s’en aller ! Il faut s’en aller !”. C’était le 21 mai, je me souviens. On a attelé l’un de nos deux chevaux, on a pris du linge et des couvertures et on est partis, mes grands-parents, ma mère, mon frère et moi. Ça formait un cortège qui grossissait dès que l’on traversait un village. Mon grand-père avait une charrette avec un âne qui n’arrêtait pas de braire. Les gens avaient peur qu’il nous fasse repérer. On m’interdisait aussi de mettre mon chapeau blanc qui pouvait être visible par les avions. Et quand les avions passaient au-dessus de nous, on sautait du chariot pour aller se cacher dans le fossé... Le soir, nous dormions dans les maisons vides. Un certain Lucien en profitait pour se servir en calva dans les caves... Notre convoi s’est arrêté à Saumont-la-Poterie en Seine-Maritime. C’était fini, ça ne servait à rien de continuer. Avec mes yeux d’enfant, les Allemands étaient gentils. L’un d’eux m’a donné un baigneur : “Moi, petite fille comme ça”, disait-il à ma mère. On a eu des bonbons aussi que l’on nous interdisait de manger par crainte qu’ils soient empoisonnés... Nous avons retrouvé la maison un mois après notre départ. Les vaches étaient mortes, il ne restait que deux chevaux laissés par l’armée. On en a gardé un, baptisé L’Armée. »

 

Il y a 80 ans : les bombes, l’exode et l’Occupation... 4 © Archives municipales et communautaires d’Amiens / réf 7Fi7

Vue depuis la cathédrale.

© Archives municipales et communautaires d’Amiens / réf 7Fi7