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À 85 ans, Ernestine Gaudré vend toujours ses volailles le dimanche matin sur 
le marché d’Amiens nord. Actuellement en convalescence, elle manque à ses habitués. 

La doyenne du Colvert  © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

02.12.2020

JDA 964

Le Covid ne lui fait pas peur. Et si une mauvaise sciatique l’oblige à rester chez elle, à Saveuse, Ernestine Gaudré compte bien retrouver les étals dans quinze jours. « Il paraît que quand on a des douleurs, on vit vieux ! » La sciatique ne lui enlèvera pas son humour. Le 2 novembre, la doyenne du marché du Colvert fêtait ses 85 ans. Elle a ses remèdes : « Vivre à l’ancienne. Je me fais un sirop avec des radis gris et des tisanes avec des feuilles de ronce et du citron ». C’est aussi grâce à son potager qu’elle conserve la santé. La serre était un cadeau de sa fille Chantal pour ses 70 ans. Elle cuisine ses propres légumes, sans pesticides, ce qui l’aide à compenser une petite retraite acquise après soixante ans de métier, dont quarante à Amiens nord. « Quand c’est traité, je le sais tout de suite. L’autre jour, j’ai acheté une laitue qui m’a rendue malade. Je suis retournée voir la maraîchère : “Dites donc, vous êtes une belle menteuse”. »

 

FRANC-PARLER

C’est sûr, Ernestine Gaudré « ne se laisse pas marcher sur les pieds ». Et quand une cliente lui demande d’où viennent ses œufs, elle rétorque : « Où c’est que vous êtes là ? Au supermarché ? ». Elle a le verbe haut mais il faut lui parler fort : « Je ne mets pas mon appareil auditif. C’est pas au point leur bazar ». Son franc-parler manque aux habitués du Colvert. Sa fille, qui la remplace chaque dimanche pendant sa convalescence, ne cesse de donner des nouvelles. Les clients viennent acheter une bricole pour savoir comment elle va. D’autres téléphonent : « Ça fait chaud au cœur ».

 

TOUTE UNE VIE

Et celle que l’on appelle mamie sur le marché n’oublie pas de parler de « sa mémé » qui lui offre chaque dimanche un gâteau au yaourt. Ou de ce client qui lui a apporté une bouteille pour son anniversaire et à qui elle « a malheureusement fait faux bond. Je suis pas bégueule moi, je suis bien avec tout le monde. Le marché d’Amiens nord, c’est la famille. Ça me ressource ». Pour notre séance photo, elle enfile son ciré, noue son foulard, enfile ses godillots, heureuse de poser dans la ferme où elle a vécu avec son mari et ses trois filles : « C’est toute une vie ». Dans les années 60, ils y élevaient douze vaches, 40 cochons et 40 poulets. En 1990, c’est l’achat du camion magasin. « Quand j’ai commencé à 18 ans, on vendait nos produits dans des caisses sur des lits de paille. »

 

LES VOLAILLES À LA MAIN

Sur l’étal de la famille Gaudré, on trouve beurre, fromage et volailles. Sa spécialité : « À 9 ans, quand ma mère voulait cuisiner un canard, j’attrapais la bête et lui coupais la tête avec une serpe. Avant, on plumait les volailles à la main. Dans les années 90, je faisais 100 pigeons le lundi ». Aujourd’hui, elle est allergique aux plumes. Ce qui ne l’empêche pas de donner un coup de main à sa fille, qui a repris la ferme familiale, en nourrissant les volailles ou en s’occupant de la comptabilité : « À la banque, ils m’ont demandé mon âge parce que j’ai jamais fait une erreur ! Jamais ! ». Même en convalescence, les journées sont trop courtes : jardiner, concocter des compotes, raccommoder... Ce n’est que devant Questions pour un champion qu’elle s’accorde une pause. Elle a hâte de retrouver son rythme du dimanche : levée à 3h30, une heure pour se préparer avant que sa fille ne vienne la chercher. Et dès 6h au Colvert sous son barnum. Elle y retournera bientôt. Elle l’a promis.

//Lysiane Voisin