Retour aux sources
Les vestiges d’une fontaine du XVIIIe siècle, des remparts du XVe... En suivant le chantier du réseau de chaleur, les archéologues exhument les visages de la ville au fil des siècles.

© Auguste Joron, Fontaine des Rabuissons, au bastion de Longueville, en 1828. Amiens, Musée de Picardie
03.06.2020
JDA 946
Depuis 2017, les travaux du réseau de chaleur offrent aux agents du service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole des fenêtres d’observation exceptionnelles. Dernier trésor : les vestiges de la fontaine des Rabuissons. Fin avril, en plein confinement, alors que ces travaux avaient repris (lire ici l’article du JDA #943), les archéologues ont mis au jour à l’angle du mail Albert-Ier et de la rue de la République le bassin de cet ouvrage construit en 1787 sur les plans de l’architecte Jean Rousseau, à qui l’on doit notamment la façade de l’ancien théâtre (lire ici l’article du JDA #885).
LE NOM D’UNE FAMILLE CÉLÈBRE
« Cette fontaine, la dernière érigée dans le cadre de l’embellissement de la ville, qui vit aussi la construction du château d’eau port d’Aval, était adossée à un rempart, décrit Josabeth Millereux-Le Béchennec, chef du service. Elle fut démolie en 1830 en même temps que les fortifications mais sa partie sculptée est conservée au Musée de Picardie. » L’élégante fontaine porte le nom d’une famille amiénoise dont plusieurs membres jouèrent un rôle politique majeur au XIVe siècle. Elle était ornée d’une naïade, nymphe de la Somme. Limités dans le temps et par les deux mètres d’ouverture des tranchées du réseau de chaleur, les diagnostics auront tout de même permis de situer son emplacement exact mais aussi de dégager un égout plus ancien dont les eaux allaient se déverser port d’Aval. C’est à cet endroit, ainsi qu’au rond-point boulevard du Port, que ces passionnés avaient pu observer il y a un an des tronçons de remparts d’une enceinte des XVe et XVIe siècles (lire ici l’article du JDA #910) avant qu’ils ne redisparaissent sous nos pieds. Des voyages express à travers le temps.
//Coline Bergeon
Une cartographie précise
En archéologie, la photographie aérienne permet de repérer vestiges et traces d’occupation humaine. Répandue en campagne, elle est impossible en zone urbaine. D’où l’intérêt des sondages et fouilles pratiqués lors de chantiers comme celui du réseau de chaleur. « L’enjeu est important puisque ces travaux sont réalisés sur des axes qui reprennent le tracé des voies romaines et d’anciennes fortifications », détaille l’archéologue Yves Le Béchennec. La fontaine des Rabuissons se situait sur un ancien carrefour romain : le cardo (axe nord-sud des cités romaines), qui passait par l’actuelle rue de la République, menait au forum. « Ces relevés servent à documenter le sous-sol, en particulier dans des endroits non explorés depuis longtemps et d’établir une cartographie précise de la ville selon les époques. » Mi-mai, rue de La Veillère, une tranchée du réseau de chaleur a dévoilé une voie médiévale repérable grâce à ses ornières mais aussi les caves de maisons du XIXe siècle, vestiges d’un quartier de la ville jadis traversé par un canal, l’îlot Saint-Germain, rasé après les bombardements de 1940.
Kezako ?
Non, ce n’est ni un diabolo ni un coquetier. Mais un bougeoir en tôle de bronze de la fin du IIIe siècle trouvé dans une tombe découverte à la citadelle. Depuis le début du confinement, chaque lundi, le service d’archéologie préventive propose un quiz “Quel est cet objet ?” sur la page Facebook d’Amiens Métropole. Les internautes ont vingt-quatre heures pour se creuser les méninges sur ces objets exhumés et conservés par nos archéologues

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