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Elle préfère le futur au passé et vit intensément le présent. Ses rôles au cinéma ? Son titre de miss Norvège en 1973 ? Des peccadilles au regard de ce qui habite aujourd’hui la pétulante Aïna Wallé : l’amour de l’art. 

Ses vies, son œuvre  © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

16.12.2020

JDA 966

Sa vie est une toile bigarrée dont elle n’entend pas tout dévoiler. En 2020, la sexagénaire Aïna Wallé cultive ses paysages intérieurs : celui de son esprit, qu’elle aère chaque matin en se promenant à deux pas de chez elle dans les marais de Boves, et celui de son atelier, où elle règne en maîtresse depuis 2009, entourée d’œuvres, de livres d’art (Renoir, Gauguin, Schiele) et d’un palmier offert il y a quarante ans par l’artiste autrichien Friedensreich Hundertwasser. Ses séries sont comme elles, vibrantes et changeantes, de portraits en mosaïques en passant par des abstractions grand format. Cette boulimie artistique qui la prend encore « au moins quatre heures par jour » l’imprègne autant qu’elle laisse de taches colorées sur ses habits de travail. Aïna Wallé, qui expose en ligne plusieurs portraits jusqu’au 16 janvier via la galerie amiénoise Bergam (bergamgalerie.com) de Martine Letitre, a l’art intense.

 

PARCOURS DOULOUREUX

Elle qui estime que « les ancêtres nous poursuivent » s’est tournée définitivement vers la peinture en 1994, après moult voyages depuis son enfance au Cameroun dans une mission protestante – des années de « grande solitude », de vie en foyer à trop peu voir ses parents. Après avoir « marché pieds nus jusqu’à [ses] 13 ans », Aïna Wallé n’a vécu que peu de temps dans cette Norvège dont elle devint par hasard Miss 1973 (« On m’avait inscrite sans que je le sache ») et où elle ne s’est jamais très bien sentie, agnostique coincée entre le rigorisme luthérien parental (« Ils avaient peur pour mon âme mais du mal à cacher leur fierté ») et les élans féministes peu amènes envers les concours de beauté (« J’en ai pris pour mon grade »).

 

JEUNESSE S’EST FAITE

La jeune fille conduira pourtant la Norvège à la troisième place de Miss Univers : « Il faut bien que jeunesse se fasse ». Puis ce fut le cinéma et la télévision. Surtout en France, où elle s’installe en 1976, encore mannequin. Elle y vivra vingt ans la bohème à Paris, apprenant l’art en le côtoyant. De cette carrière sous les projecteurs, dont une poignée de rôles principaux, elle retient surtout Faneflukt (1975, une romance de guerre), Un Balcon en forêt (1978, où elle a rencontré Jacques Villeret), La Vie de famille (1985, de Jacques Doillon avec Sami Frey) ou Le Plus Escroc des deux (1988, de Frank Oz, avec un Steve Martin « adorable »).

 

L’AMOUR DE LA SOLITUDE

Avec le recul, elle confesse : « J’avais du mal à être dirigée. Je ne suis pas interprète, mais créatrice ». D’où un passage derrière la caméra pour deux courts-métrages, puis un long, avant de se consacrer totalement aux arts plastiques. Suite à ses séjours internationaux, tels l’Angleterre et les États-Unis, Aïna Wallé, « déracinée dont les racines poussent dans le ciel, au-dessus des frontières », parle quatre langues. Mais préfère le langage de l’art, « universel et où on ne peut pas faire de fautes de grammaire ». Comment le nourrit-elle ? « J’ai besoin d’emmagasiner des images, de faire des associations d’idées, d’étudier la nature, les reflets de l’eau. J’aime la solitude, je peux passer des jours sans voir personne. » Des yeux perçants, un caractère bien trempé et un état d’esprit salutaire en 2020.

//Jean-Christophe Fouquet