Votre navigateur est obsolète!

Mettez à jour votre navigateur pour afficher correctement ce site Web. Mettre à jour maintenant

×

Patrick Coulombel, cofondateur de l’ONG amiénoise les architectes de l’urgence de retour de Beyrouth, est un homme d’action. Direct et sans fard.

Archi cash © Laurent Rousselin - Amiens Métropole
« Sur un bateau, un seul mec décide et on met le moins neuneu »
© Laurent Rousselin - Amiens Métropole

16.09.2020

JDA 955

Il y a l’Ordre des architectes. Et les architectes du désordre. Les Architectes de l’urgence arrivent après le chaos. Après le tsunami en Indonésie en 2004 (200 000 morts), le séisme à Haïti en 2010 qui fit 1,5 million de sans-abri ou l’explosion à Beyrouth du 4 août. Leur mission : juger du risque d’effondrement, sécuriser les édifices,  acheminer du matériel… Le jour de l’entrevue, on savait que Patrick Coulombel, fondateur et visage médiatique de l’ONG amiénoise basée boulevard du Cange, rentrait du Liban. « Non, là, j’arrive de chez moi », dit-il sans blaguer. On lui demande comment ça se passe : « On débarque et on prend un taxi ». L’homme de 57 ans ne s’embarrasse ni de chichi, ni d’ironie. Ajoutez-y ce CV digne d’un héros de roman d’aventure (pilote d’avion, deux fois au départ de la Route du Rhum ou à moto entre Amiens et Jakarta… – il n’en dira pas un mot) et vous voilà sous pression.

 

OUVRIER, PROF, MARIN
Ses proches le disent « entier ». Celui qui a été ouvrier, prof d’électrotechnique, navigateur, architecte se moque des codes. Teste son interlocuteur. Donnerait l’impression de s’ennuyer. Griffonne une feuille puis, d’un coup, s’en sert pour vous expliquer l’onde sismique à Beyrouth. « La plupart des gens ont été tués par les projections de verre alors qu’ils filmaient avec leur portable », s’atterre-t-il. Ce qu’il a vu – « La télé montre le pire. Il y a surtout le désordre et des carreaux cassés sur dix kilomètres » – lui rappelle AZF à Toulouse en septembre 2001. Les Architectes de l’urgence avaient été créés à Amiens six mois plus tôt au moment des inondations de laSomme. En vingt ans, l’ONG est intervenue aux quatre coins du globe sans jamais déménager ses bureaux d’Amiens. « Pourquoi aller ailleurs ? Faut se demander plutôt pourquoi les Parisiens ne viennent pas ici… Enfin, c’est pas le sujet. »

 

LE LIBAN QUINZE FOIS
Patrick Coulombel a la digression facile. Après les blessures de Beyrouth, il parle des blessures profondes du Liban, de l’enjeu des chrétiens d’Orient dans cette zone qu’il a tant arpentée à l’instar du Pakistan ou de l’Afghanistan. Ce Liban, où il a déjà bu des coups (et de l’alcool) avec des gars du Hezbollah. « On est en plein procès de Charlie, les gens ne font pas le lien avec ces gros bordels qu’on laisse s’envenimer ! » Il s’énerve.Puis se contente d’un « je ne fais pas de politique mais j’ai un avis ». Le pire qu’il ait vécu ? « Haïti. Il y avait des cadavres partout. Et rien à boire ni à bouffer. » Au Chili, il a vu qu’on s’entre-tuait pour manger. « En France, je ne donne pas quarante-huit heures avec une population affamée avant d’avoir les mêmes scènes. Des gens se sont bien battus pour du PQ au début du confinement. »

 

DESTIN FAMILIAL
Lui qui ne croit pas en l’État providence, trouve les dirigeants peureux – « Sur un bateau, un seul mec décide et on met le moins neuneu ». Déplore le consensus mou permanent. Et ne digérera jamais d’avoir dû signer un papier pour sortir de chez lui. On voudrait faire le lien entre son goût pour l’ailleurs et l’aventure avec son histoire : un papa prisonnier à Diên Biên Phû en 1954, secouru par les humanitaires de la Croix-Rouge, une maman fille d’immigrés italiens, survivante de bombardements pendant la guerre. Il ne s’épanchera pas. Critiquera son ex-passion des bateaux. « J’aime la technologie. Mais la voile est un plaisir égoïste. » Le deuxième de Québec-Saint-Malo en 2008 n’a plus qu’une barque dans les hortillonnages. Et montre sa confiance en nous quittant quand il dégaine une photo : lui, la gueule tuméfiée après un accident de vélo à Amiens. Ce bourlingueur des périls du monde a rangé le sien. L’aventure, comme le danger, est parfois au pied de sa porte.

//Antoine Caux