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Jean Viard : « Une pandémie, ça accélère les tendances »

Le sociologue Jean Viard était à Amiens le 28 juin pour la première université d’été de l’économie amiénoise. Il y a fait part de ses observations sur un nouveau modèle émergeant et le monde qui change. Extraits.

ITW Jean Viard © Sébastien Coquille / Amiens Métropole
Le sociologue Jean Viard était à Amiens le 28 juin pour la première université d’été de l’économie amiénoise.
© Sébastien Coquille / Amiens Métropole

30.06.2021

Sa perception de la crise :

« La moitié de la population mondiale s’est confinée afin de protéger les plus fragiles. C’est un acte humaniste incroyable ! Des dizaines de milliers de vies ont ainsi été sauvées. Pendant le confinement, on a pris conscience des piliers de l’individu. La famille tout d’abord, avec des moments de soutien et des disputes. L’école, les enfants étaient malheureux de ne plus voir leurs copains et leurs enseignants. Le travail a aussi repris du sens. On y cherche du plaisir et pas seulement une source de revenus. Enfin la santé publique : comment renforcer le lien entre la médecine de ville et l’hôpital ? Va-t-on continuer de construire des maisons de retraite ? Les jeunes eux, représentent un groupe à part. On a construit la génération de la pandémie. »

 

Les enseignements à tirer :

« Nous écrivons une page de l’histoire de l’humanité tout à fait originale. Cette crise est une tragédie créatrice qui bouleverse les sociétés. Le monde change, nous sommes dans une période de mouvements. Une pandémie, ça accélère les tendances : l’écologie, le numérique, le féminisme. Aujourd’hui, on veut plus de nature, plus de local, plus de livraisons (de repas, d’objets et de travail avec le télétravail). L’homme a appris qu’il n’était ni maître, ni possesseur de la nature et qu’il est urgent de la préserver. On a densifié l’humanité, ce qui a détruit un certain nombre d’équilibres. Et définitivement, nous sommes dans une société numérique y compris dans la sphère familiale. Depuis l’après-guerre, lorsqu’on souhaite rencontrer quelqu’un, on use du pétrole. Maintenant, on se voit en visio. Est-ce qu’il faudra se battre un jour pour avoir du lien physique ? »

 

Les changements attendus :

« Le secteur industriel et l’agriculture sortiront valorisés de cette crise. Mais l’épidémie a mis les professions payées au Smic en première ligne. Ce sont eux aussi qui résident en périphérie des métropoles. Il y a des attentes sociales. Comment par exemple modifier les politiques d’attribution de logement social ? Faciliter les déplacements domicile-travail ? 70 % des salariés vont travailler en voiture. Il faut vite proposer des alternatives car le désir de changement est là, la violence est là. Pensons aussi à la prévention des suicides, c’est urgent. Et puis il y a les télétravailleurs. À Paris, 30 % des mètres carrés de bureaux sont en train de se vendre. Les télétravailleurs s’intéressent aux villes de 2e rang, Angers plutôt que Nantes ou Draguignan plutôt qu’Aix-en-Provence, où l’immobilier est moins cher. Amiens a la chance d’être près de Paris. Il y a une quête de sens, de bien-être. Près de 10 % de la population souhaite changer de vie. »

// Lysiane Voisin