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Soignante au CHU d’Amiens, Asmaou Sow a créé l’association Haffsa. Mission : envoyer du matériel médical en Guinée et y construire un centre pour aider à accoucher dans la dignité.

Son combat pour la dignité © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

18.11.2020

JDA 962

L’année 2020 l’aura mise à rude épreuve. À cause de la crise sanitaire, bien sûr, en tant que soignante au CHU d’Amiens qui a vu certains de ses collègues être infectés. Mais aussi en tant que Guinéenne, avec les violences qu’a subies son pays alors qu’Alpha Condé vient d’être reconduit à la présidence pour un troisième mandat qu’il a pu briguer après modification de la constitution, dans un climat de divisions et de suspicions de fraude. « Il ne se passe pas une journée sans que je téléphone à ma famille », confesse Asmaou Sow, arrivée en France en 2004 et à Amiens en 2011. Au plus fort de la crise politique, toutes les communications ont été coupées pendant quarante-huit heures : « J’ai eu du mal à trouver le sommeil, c’était l’angoisse ». Et pourtant, de sommeil, elle en a besoin, entre les services de nuit et la garde de ses trois filles de 15, 12 et 8 ans. Son association, Haffsa, porte d’ailleurs le nom de son aînée.

 

SECOUÉE PAR LES DRAMES

C’est après avoir eu connaissance via les réseaux sociaux du drame d’une Guinéenne qui a dû « accoucher sans couveuse ni matériel et dont les jumeaux sont morts » qu’Asmaou Sow, « dévastée », s’est lancée dans sa démarche humanitaire : récolter du matériel médical puis l’envoyer en Guinée, où « on peut vous laisser accoucher dehors si vous n’avez pas d’argent ». Peu diserte sur sa vie privée (elle taira son âge), celle qui prit pour modèle son oncle, le docteur Ousmane Sow « dont la maison était toujours pleine de patients », l’est plus sur sa Guinée natale, ses routes délabrées et ses déserts médicaux qu’elle combat en mobilisant les bonnes volontés au CHU, à la clinique Victor-Pauchet ou auprès de SOS Ambulance, entre autres.

 

UN DEUXIÈME SEXE OPPRIMÉ

Deux conteneurs (lits, médicaments...) sont déjà partis depuis la création d’Haffsa l’an dernier. Un transit qui coûte cher, d’où l’aide d’autres associations. Et en Guinée, l’action humanitaire peut s’avérer compliquée : « Même si on vient pour aider, il faut payer », regrette Asmaou Sow, qui fait aussi construire un centre d’accueil de 18 chambres pour femmes enceintes et jeunes enfants : « Je recherche des dons matériels et financiers pour réaliser ce rêve ». À 130 kilomètres de Conakry, la capitale guinéenne, elle espère l’ouvrir en milieu d’année prochaine pour « aider les femmes à accoucher dans le respect » dans un pays où elles subissent l’oppression : « J’ai été la première fille de ma famille à avoir mon bac. On disait à mon père “Ne mets pas tes filles à l’école, c’est pour les garçons, elles vont mal tourner”. Et il répondait : “Mes garçons, ce sont mes filles.” ». Asmaou Sow ne tarit pas d’éloges sur sa famille, nombreuse et « soudée ».

 

ESPRIT DE SACRIFICE

Fraîchement installée à Rivery, « près de l’école, du collège et du parc Saint-Pierre », elle a peu de temps libre : « Ma vie, c’est mon travail et mes enfants. J’aime ce que je fais, j’aime mes patients. Et si je n’ai pas pu faire de grandes études, je veux que mes filles en aient la possibilité. Si je dois me sacrifier pour elles, je le ferai ». Alors quand elle s’évade, c’est de façon littérale, en voyageant : « Je suis allée aux États-Unis, en Allemagne, en Norvège... Et bien sûr un peu partout en France ». Aujourd’hui, elle s’impatiente de pouvoir retourner en Guinée et de continuer le travail d’Haffsa : « Mais le Covid ne facilite pas les choses... ». Une situation qu’elle affronte avec dignité, mais l’œil discrètement embué.

//Jean-Christophe Fouquet

06 05 54 45 42 – asshaffsa@yahoo.com