Le goût du public
Extrait de Michel Strogoff
Le bâtiment
Le bâtiment du Théâtre municipal a toute une histoire : il est construit au 18e siècle, sur une conception de Jacques Rousseau, architecte de la ville. L’inauguration a lieu le 21 janvier 1780 avec la représentation d’une pièce de Gresset.
La vie théâtrale est très vivante à Amiens au cours du 19e siècle. Le répertoire est représentatif de l’art dramatique de l’époque : drames, comédies, opérettes et opéras, même les nouveautés à grand succès des scènes parisiennes y sont représentées, avec un certain retard, et adaptées aux possibilités plus restreintes de la scène de province.
La saison dure de début octobre à fin mars, avec trois représentations par semaine. A l’époque, une représentation compte plusieurs pièces et commence souvent dès 17 h. pour finir rarement avant minuit. Jules Verne ne reste pas toujours jusqu’à la fin, ayant l’habitude de se lever tôt pour travailler à ses romans. Dans la salle, une loge est réservée aux époux Verne jusqu’en 1900, année où l’écrivain se retire progressivement de ses activités alors qu’Honorine Verne continue d’aller au spectacle.
Tout proche, le Café du Théâtre est un lieu de rendez-vous pour les artistes et les spectateurs.
Au 20e siècle, le bâtiment a souffert des bombardements pendant la Première Guerre mondiale, et encore plus de la Seconde Guerre. Il est détruit le 22 mai 1940. Seule la façade reste debout avec ses bas-reliefs représentant les muses. En 1950, lors des travaux de reconstruction d’Amiens, l’élargissement de la rue des Trois-Cailloux exige que l’on recule cette façade de cinq mètres environ. Ce qui est fait au prix d’un exploit : en dix jours, la façade tout entière, montée sur des rails, est poussée par des vérins et reculée jusqu’à l’emplacement où elle se trouve aujourd’hui.
Un comédien devenu personnage de roman
Dans Claudius Bombarnac (1892), Jules Verne présente un personnage de comédien, Adolphe Caterna. Il s’inspire d’un comédien amiénois, Paul Saverna qui est « grand premier comique ». Et le roman est parsemé d'allusions théâtrales significatives de la familiarité de Jules Verne non seulement avec le répertoire, mais avec la technique du théâtre. Le mouvement de certains dialogues évoque la rapidité et la désinvolture avec laquelle les auteurs de vaudeville écrivent. Jules Verne pastiche ainsi avec humour les œuvres qu'il a l'habitude de voir au théâtre d'Amiens.
