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David Rosenberg,
 son combat contre l’oubli

Cet archiviste américain a reçu la médaille de la Ville d’Amiens pour son travail sur les Juifs de la Somme sous l’Occupation.

David Rosenberg, 
son combat contre l’oubli 1 © jewsofthesomme.com
Quelques-unes des fiches que tenait la préfecture sur les Juifs de la Somme et qu’a découvertes David Rosenberg. À retrouver sur le site jewsofthesomme.com.
© jewsofthesomme.com

02.03.2022

JDA 1005

Il dit que son français « n’est pas impeccable ». Pourtant ses mots sont parfaits pour parler de son travail sur les Juifs de la Somme : « Apporter la vérité sur cette tragédie et l’humanité des victimes ». Depuis plus de dix ans, l’Américain David Rosenberg tire de l’oubli ces vies happées, ces existences broyées, ces dignités piétinées. Et redonne un visage à ces Juifs déportés depuis Amiens. Ginette Schulof, qui échappa à la rafle du 4 janvier 1944 en fuyant par les toits de la rue Albéric-de-Calonne tandis que ses parents se faisaient arrêter, lui dira d’ailleurs un jour : « Merci d’exister ». Elle est décédée il y a peu.

“Amiénois” dès 1973

Depuis 2016, l’archiviste installé à Pittsburgh tient un vibrant site : jewsofthesomme.com. Avec sa fille Lydia, il y présente photos et documents exhumés. Mais cela fera cinquante ans en 2023 que David Rosenberg lie son histoire à Amiens. En 1973, l’étudiant d’alors, fumeur de « petites bleues » comme il dit, débarque consulter les archives amiénoises pour une thèse sur le protestantisme. « Un grand gaillard plein d’humour aux cheveux longs », se souvient Isabelle Giraud dont les parents ont accueilli David deux ans rue Millevoye. Il reviendra toujours à Amiens. Jusqu’à décider, une fois à la retraite, de travailler sur sa propre communauté. Un travail qui nourrit depuis les archives locales.

 

Un avant et un après Rosenberg

David Rosenberg,
son combat contre l’oubli 5 © D.R.

© D.R.

« Il y a un avant et un après les travaux de David », loue Sophie-Laure Zana, ancienne professeure du lycée Thuillier. « David a créé une émulation », remercie l’historien Claude Watteel, auteur d’une biographie de la jeune déportée Cécile Redlich (lire ci-contre). « Votre travail continue d’honorer ces victimes de l’horreur », a salué le maire d’Amiens Brigitte Fouré le 8 février. Ce jour-là, David Rosenberg recevait la médaille de la Ville. La crise sanitaire a contraint à une cérémonie en visioconférence entre Pittsburgh et Amiens où s’étaient réunis ses amis français. L’émotion, elle, n’avait rien de virtuelle.

Antoine Caux

jewsofthesomme.com

 

LA RAFLE DU 4 JANVIER 1944

Ce matin-là, la Gestapo et les autorités complices raflent les derniers Juifs amiénois. Ils sont 21 à être amenés à la gendarmerie rue des Jacobins, transférés à Drancy puis jetés dans le Convoi 66 (1 153 personnes) qui arrive à Auschwitz le 23 janvier. Parmi eux, Cécile Redlich, 14 ans. Ses parents avaient été arrêtés le 18 juillet 1942, au lendemain du Vel’ d’Hiv. Zelman, le père, meurt à Auschwitz le 1er septembre. Sa mère Gitla, d’abord hospitalisée à Drancy, y est déportée le 6 novembre et gazée à son arrivée. Quatorze mois plus tard, Cécile subit le même sort. Une seule Amiénoise réchappe de l’enfer : Renée Louria, qui accouchera dans le camp et verra son bébé placé dans le formol. Ce n’est qu’en 1993 que le journaliste du Courrier Picard Georges Charrières découvre la composition de ce Convoi 66. On met des noms, des visages. « Depuis, il y a eu toute une chaîne humaine pour ne pas oublier ces personnes, pour ne pas oublier notre histoire. » La médaille reçue par David Rosenberg en est un nouveau maillon.

David Rosenberg,
son combat contre l’oubli 6 © D.R.

© D.R 

 

« L’antisémitisme est toujours d’actualité »

Interrogé sur les débats nauséabonds de l’actualité française, David Rosenberg préfère citer les messages des visiteurs de l’exposition Être juif dans la Somme, montée 
en 2019 à la citadelle à partir de ses recherches. « Quelqu’un avait écrit “C’était 
ma rue... c’était hier et c’est aussi un peu aujourd’hui”. En octobre 2018, la synagogue de Pittsburgh a subi une attaque terroriste antisémite. C’est dans ce contexte de choc et de peur que l’exposition sur les Juifs à Amiens 1940-1945, présentée à 
la Duquesne University de Pittsburgh en janvier et février, a suscité un grand intérêt. »

David Rosenberg,
son combat contre l’oubli 2 © Antoine Caux

© Antoine Caux

David Rosenberg,
son combat contre l’oubli 3 © Antoine Caux

© Antoine Caux

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son combat contre l’oubli 4 © D.R.

© D.R

L’émulation générée par David Rosenberg a notamment contribué à la pose d’une plaque rue du Cloître-de-la-Barge, près du palais de justice, là où se tenait la première synagogue d’Amiens. Inaugurée en 1935 en présence de Jean Moulin (photo ci-dessus), alors secrétaire général de la préfecture, elle fut spoliée pendant l’Occupation. En janvier dernier, une autre plaque en hommage à Cécile Redlich, symbole des victimes juives amiénoises, était également inaugurée sur la nouvelle synagogue dans la rue éponyme.