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L’usine de l’espace industriel nord est la seule en Europe à produire des acides aminés par fermentation pour le marché de la nutrition animale. Son nouveau propriétaire l’étend bientôt à celui de la cosmétique.

Moins étranger de Metex 1 © Antoine Caux

17.11.2021

JDA 995

Devant l’entrée, les phares des camions percent la brume matinale et les nuages de vapeur enveloppant en permanence ce coin de l’espace industriel nord. Amiens s’éveille mais l’usine Metex Nøøvista Go, elle, ne dort jamais. Au-delà des 325 salariés du site, le nom est encore peu évocateur. Dans la région, on connaît davantage celui d’Eurolysine ou d’Ajinomoto, même si l’on parle bien de la même chose. Au printemps dernier, le groupe de Clermont-Ferrand Metabolic Explorer (Metex), ancienne startup devenue grande spécialiste de la chimie verte, rachetait au Japonais Ajinomoto cette usine classée Seveso “seuil haut”, seul producteur européen d’acides aminés par fermentation, dont la lysine (d’où le nom originel du site créé en 1976). 100 000 tonnes d’acides aminés y sont produites chaque année pour ensuite servir à nourrir les animaux.

 

PLUS VERTUEUX QUE LE SOJA D’OUTRE-ATLANTIQUE

« Le site a été le premier au monde à produire des acides aminés par un processus naturel de fermentation du sucre et non grâce à la pétrochimie », rappelle Benjamin Gonzalez, le P.-D.G. de Metex. Sur le plan de l’empreinte carbone, l’usine amiénoise est une alternative au soja d’outre-Atlantique. L’utilisation des acides aminés en nutrition animale permet à la France de réduire de 50 % ses importations de soja qui s’élèvent à 3,3 millions de tonnes par an. La concurrence asiatique est rude et donc « violente », glisse Benjamin Gonzalez. « Les Chinois mangent beaucoup de porc et de poulet, ils ont de gros besoins pour nourrir leurs bêtes et sont dépendants du soja américain », illustre David Demeestere, le directeur général. Metex mise sur la qualité et sur une conscience plus verte. Les voyants, eux, commencent à le devenir : Lidl s’est engagé pour 2025 à ne vendre aucune viande nourrie au soja dont la culture engendre la déforestation.

 

ET DEMAIN LA COSMÉTIQUE

Mais si Metex a racheté le site pour 15 M€, c’est aussi pour y développer un nouveau pan : la cosmétique. L’usine amiénoise produira bientôt de l’acide glycolique selon le même procédé de fermentation pour de la crème anti-âge. « L’Oréal a annoncé pour 2030 que 100 % de ses formules cosmétiques seront biosourcées », justifie Benjamin Gonzalez. « Nous avions défendu le projet de Metex parmi les repreneurs potentiels car il y avait cette dynamique de recherche avec de nouveaux produits », plébiscite David Demeestere. La partie recherche de la firme reste basée à Clermont-Ferrand. Mais les 40 hectares du site amiénois offrent le terrain propice au développement de l’activité.

//Antoine Caux

 

« Cet outil 
industriel reconnu internationalement a toutes les compétences pour pouvoir déployer notre stratégie en matière de cosmétique »

Benjamin Gonzalez, P.-D.G. de Metex

 

EN CHIFFRES

450

Soit le nombre de salariés de Metex, dont 325 à Amiens. L’usine amiénoise totalise aussi une centaine
 de sous-traitants installés sur le site.

1 000

C’est ce que représente
 l’usine en emplois indirects dans la région.

40

C’est en hectares 
la superficie de l’usine.

250 000

L’usine Metex dispose
 de sa propre station d’épuration. Elle équivaut à celle d’une ville de 250 000 habitants.

 

// SOUS HAUTE SURVEILLANCE

Le 21 mai, une fuite de 170 m3 d’acide chlorhydrique sur une cuve de stockage a entraîné l’évacuation du site ainsi que le confinement d’une partie de l’espace industriel nord sur un rayon de 200 mètres. L’acide déversé dans des bassins de rétention a rapidement été pompé et la production arrêtée
 pour enquêter sur l’origine et les conséquences du sinistre. La cuve a été mise hors d’usage. 
L’activité reprenait le 7 juin après les contrôles de la Dreal (direction régionale de l’environnement 
de l’aménagement et du logement) qui fait partie des autorités à surveiller de près le site. Son classement Seveso (directive européenne qui impose d’identifier les sites présentant un risque industriel majeur) est dû au stockage sur place de 250 tonnes d’ammoniac. Son transport est d’ailleurs interdit par la route. Les livraisons se font via des trains qui rentrent directement dans l’usine.

 

// COMMENT ÇA MARCHE ?

Tout commence en laboratoire avec des bactéries qui vont aller fermenter le sucre que livrent chaque jour une douzaine de camions en provenance principalement
 du Santerre.

Moins étranger de Metex 2 © Antoine Caux

© Antoine Caux

 

Ce cycle de production emprunte des kilomètres de tuyaux, passe de bidons en cuves, de cuves en fermenteurs de 500 m3.

Moins étranger de Metex 4 © Antoine Caux

© Antoine Caux 

 

Le tout en milieu stérile pour tuer les bactéries parasites, jusqu’à finir dans de grands sacs d’acides aminés sous forme de poudre.


Moins étranger de Metex 3 © Antoine Caux

© Antoine Caux 

Le site d’Amiens produit cinq acides aminés, bientôt six. « On
 ne réfléchit pas en volume. Mais en nourriture de précision. La prolifération des algues vertes en Bretagne est liée aux diarrhées des porcs générées par une alimentation trop riche en protéines vegétales. L’utilisation d’acides aminés permet de réduire significativement les rejets azotés des élevages », prend en exemple Benjamin Gonzalez, le P.-D.G. de Metex.

 

// UNE CHAUFFERIE AU BOIS EN 2025

Les nuages blancs sont indissociables du site. Il s’agit là de vapeur, celle produite en permanence (plus de 80 tonnes par heure) pour stériliser le processus de fermentation. En 2025, elle sera produite par une chaufferie biomasse qui réduira l’empreinte carbone de 50 %. L’excès d’ammoniac est transformé en sulfate d’ammonium qui servira d’engrais dans l’agriculture. À noter aussi qu’il est prévu que les calories produites sur place alimentent à terme le réseau de chaleur de la Ville d’Amiens.

 

// C’EST QUOI CETTE ODEUR ?

Il arrive de sentir une odeur désagréable en longeant l’usine depuis la rocade, voire bien au-delà. Cette gêne provient de la fermentation du sucre de betterave, un processus qui, durant plus ou moins longtemps, peut avoir le même effet qu’un camembert restant dans un placard. « On essaie de démystifier en étant transparent, explique David Demeestere, le directeur général de Metex. Nous ouvrons nos portes au maximum aux visiteurs. Nous faisons aussi partie du réseau Atmo Picardie. » Si l’odeur dégagée n’est pas toxique, l’usine assure faire « de gros efforts d’investissements pour lutter contre cette gêne ».

Moins étranger de Metex 5

David Demeestere, directeur général de Metex Nøøvista Go.

© Antoine Caux