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« Soyez vigilants de ce que 
la haine peut amener à faire »

200 élèves de 3e du collège Édouard-Lucas ont écouté le récit poignant de Ginette Kolinka, survivante du camp de Birkenau, venue leur lancer ce message.

« Soyez vigilants de ce que 
la haine peut amener à faire »  © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

20.12.2021

JDA 999

À 96 ans, le pas est hésitant mais le discours ferme : « Attention, il faut accepter l’autre. Sans différence. Je compte sur vous ». Devant Ginette Kolinka ce matin-là, 200 adolescents qui n’auront pas perdu une miette du récit choc de cette vieille dame, rescapée du camp de concentration de Birkenau contrairement à son père, son petit frère et un million d’autres Juifs. Les élèves de 3e du collège Édouard-Lucas auront été sidérés par les détails – « À mon arrivée, on m’a mise toute nue pour me raser les cheveux et les poils du sexe » –, interpellés par son message : « Le point de départ, c’est la haine. La haine, c’est un pied à Auschwitz. Alors soyez les passeurs de cette histoire », abasourdis par son poids à son retour du camp : « 26 kilos ». Invitée par le collège à l’initiative du professeur Florian Oger, Ginette Kolinka, (maman du batteur du groupe Téléphone) est l’une des dernières passeuses des horreurs de la Shoah, cette histoire qu’elle a pourtant gardée pour elle jusqu’au début des années 2000. Depuis, elle sillonne la France et les écoles.

 

GESTAPO, DRANCY, BIRKENAU

« C’était tellement intéressant, a réagi Ethan, élève de 3e2. Tout ce qu’elle a vécu, c’est incroyable. » Elle a commencé par montrer une photo de cartouche de Zyklon B. « Dans les champs, ça tue les parasites. J’imagine toujours des nazis autour d’une table, l’un d’entre eux disant : “Moi, j’ai un truc pour tuer la vermine juive.” » Ginette Kolinka raconte bien comment l’insouciance est un réflexe. On ne veut pas croire, on ne peut pas croire. Le recensement des Juifs en 1940, le tampon sur la carte d’identité, l’interdiction d’aller à la piscine... « Mon père disait que ça irait. Il était français, il avait fait la guerre de 14 ! » Un père dénoncé en 1942 parce que communiste, le passage chaotique en zone libre avec de faux papiers vers Avignon. Et puis ce 13 avril 1944 : la Gestapo qui fait déculotter le père et le frère. « Ils nous ont jetés dans les Traction noires. » Direction Drancy.

 

PLUS DE SENTIMENTS

Ginette Kolinka décrit le train de marchandises à la gare de Bobigny. La porte qui se referme, le noir, les besoins à même le wagon. Trois jours, trois nuits plus tard, l’arrivée à Birkenau. « On voyait de la fumée, nous pensions que c’était une usine. » C’est la dernière fois qu’elle voit son père et son petit frère, emmenés vers la mort car inaptes au travail. Elle, elle survit dans l’immondice et la perte d’humanité : l’écuelle à partager à cinq, la mort à côtoyer au quotidien. « Des sentiments, je n’en ai plus », lance-t-elle à l’auditoire, stupéfait. À sa libération, elle retrouve sa mère en larmes. « Moi, non, je ne sais plus pleurer. » En aparté, on lui demande son avis sur l’actualité, sur Pétain réhabilité. Elle coupe : « Si vous allumez la télé, ce n’est que haine ». Le message est encore à faire passer.

//Antoine Caux