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La crise du textile ne l’avait pas arrêté. Philippe Dessaint a su diversifier sa société, travaillant pour 
les Gothiques... Ou Kim Kardashian ! La crise du Covid, elle, l’a vu se lancer dans la fabrication de masques. 

L’étoffe d’un battant  © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

01.07.2020

JDA 950

Bientôt, il passera la main à ses enfants. À la tête de l’entreprise textile familiale depuis trente ans, Philippe Dessaint, 68 ans, en est soulagé et heureux : « Ils ont travaillé ailleurs avant mais ils ont vu qu’on s’amusait plus ici. C’est reparti pour un tour ! ». Le portrait du grand-père Hubert, créateur de la manufacture en 1911, accompagne l’équipe dans le réglage des couleurs. Le savoir-faire se transmet ici depuis quatre générations. « Ma voie était tracée. À 10 ans, je m’amusais à coudre des bouts de tissu dans l’atelier. Dans les années 70, j’ai souhaité reprendre les affaires, ça allait de soi. Pour la technique, j’ai appris sur le tas, avec mon père. » Passionné, rigoureux, toujours présent, comme le décrivent ses enfants. Son fils Nicolas raconte : « J’arrive à 6h45 pour allumer les machines. Mon père est là de 7h jusqu’à 19h. Il m’a laissé gérer le sport mais il jette toujours un œil. C’est son bébé ».

 

COSSERAT COMME NOUVELLE ADRESSE

 L’entreprise a employé jusqu’à 120 personnes dans les années 70, avant la crise du textile. De 1989 à 1992, « la société a volé en éclats » : dépôt de bilan, rachat par un repreneur spécialisé dans l’immobilier. Licencié, Philippe Dessaint se relève et crée en 1992 une nouvelle société, Confection et impression textile (CIT), avec sa sœur Florence. En juillet dernier, l’entreprise a même quitté les locaux centenaires de la rue Jean-Moulin pour le site Cosserat. Un projet rêvé : « L’histoire textile est tellement profonde ici. Il n’est pas question de ne pas respecter l’esprit de Cosserat ». Cet amateur de peinture et d’architecture est d’ailleurs aussi le président de l’association Bleu de Cocagne, conservatoire textile depuis dix-huit ans.

 

MOULIN ROUGE, GAUTIER, MUGLER...

 « Sa culture textile est brillante. Et il sait innover », admire sa fille Virginie. Pour preuve, les maillots de sport et les costumes de théâtre ont remplacé les pièces de lingerie des débuts. Côté sport, l’entreprise s’occupe par exemple des maillots des Gothiques depuis de longues années. Même les ennemis rouennais viennent à Amiens pour s’équiper. Côté spectacle, la palette de couleurs de la société, enrichie par le fluo, a séduit les plus grands : les stylistes du Moulin Rouge, Jean Paul Gaultier, Thierry Mugler... Et grâce aux collaborations avec des ateliers parisiens, CIT-Dessaint participe à l’élaboration des tenues de Kim Kardashian. Depuis un an, l’équipe fabrique des résilles de la couleur de sa peau.

 

COLLABORATION AVEC LE CHU

 Pendant le confinement, dès le 20 mars, Philippe Dessaint n’a pas hésité à fabriquer des masques. « Nous avions déjà travaillé avec le milieu hospitalier, nos tissus sont filtrants. Avec ces milliers de mètres en stock, il était hors de question de ne pas protéger les habitants. On l’a fait par devoir. » La Ville d’Amiens et d’autres ont été ses clients. Une collaboration spécifique avec le CHU a par ailleurs vu le jour pour la mise au point de masques en tissu hospitalier de stérilisation, destinés au personnel sans contact avec le public et aux patients Covid en convalescence à leur domicile. Sur le sujet, son fils Nicolas l’avait devancé. « Bien avant le Covid, il m’avait dit : “Tu verras, on va faire des masques” ». L’art d’anticiper et de se réinventer semble bien parti pour perdurer.

//Lysiane Voisin