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Maxime Gignon, épidémiologiste au CHU d’Amiens, s’est ajouté 
la blouse de Monsieur média depuis le début de la pandémie en plus de ses nombreuses casquettes dans la santé et la recherche. 

Docteur pédago  © CHU Amiens-Picardie

06.05.2020

JDA 942

Il a abandonné son imposante barbe et ses bacchantes. Celles que connaissaient ses abonnés sur Twitter, où ce beau gaillard, professeur de santé publique, cause médecine (et musique parfois). Avec la pandémie, on a vu l’Amiénois sur BFM TV ou dans Le Point, les joues aussi lisses que son crâne. « Si l’on veut que le masque colle au visage, c’est mieux sans », dit-il, impatient de retrouver sa pilosité hipster. Un CV long comme un confinement sans fin, une spécialité – l’épidémiologie – et un sens de la pédagogie ont fait du professeur Maxime Gignon, 40 ans, un visage familier du grand public, prêt à répondre à ses interrogations. « L’objectif est de faire passer des informations compréhensibles et vérifiées par rapport à des données scientifiques. »

 

LA VÉRITÉ SCIENTIFIQUE COMME BOUSSOLE

Le coordinateur du pôle prévention, risques, information médicale et épidémiologie au CHU Amiens-Picardie concède avoir entendu tout et surtout n’importe quoi sur le Covid-19. « Mais c’est normal dans ce genre de crise. Des hypothèses scientifiques sont formulées plus ou moins maladroitement mais sont immédiatement reprises comme des informations », décrypte-t-il en suivant du regard le traitement à la chloroquine. Il n’y a pas que la coupe de cheveu qui l’oppose au professeur Raoult. La vérité scientifique comme boussole mais pas la mémoire courte. Ce père de deux enfants regrette : « On a sans doute minimisé ce virus, y compris de grands experts. Mais quand un risque est lointain, il paraît toujours négligeable ».

 

LE MONDE D’APRÈS

Qu’est-ce que le Covid lui aura appris ? « L’humilité. » Il ne table pas sur un vaccin « avant début 2021 », et martèle qu’il « nous faudra apprendre à vivre avec, car il faut vivre. Mais pas comme avant ». On l’interroge sur le monde d’après, si la société en tirera des leçons. Il botte en touche : « Pas sûr ». Se satisfait déjà du retour en grâce des gestes d’hygiène. « Maintenant, dès qu’on tousse, on pensera peut-être à porter un masque. Distance, lavage de mains et masque marcheront contre la propagation de la grippe, de la bronchiolite ou de la gastro-entérite. » Au fait, c’est quoi un épidémiologiste ? « C’est celui qui pose son regard au niveau de la santé d’une population, répond-il. Qui analyse comment se répand une maladie à l’échelle d’un pays ou d’une ville. » Et cherche les mesures de prévention à mettre en place. « Comprendre pourquoi la Picardie concentre davantage de cas de cancer que le sud du pays », illustre celui qui a passé son enfance non loin de Friville-Escarbotin.

 

LA DIMENSION COLLECTIVE

Étudiant en médecine à Amiens, il acquiert très tôt une conviction : « On peut améliorer la santé des gens à travers une dimension collective ». Et rappelle cette statistique : « Si l’espérance de vie a augmenté au cours du XXe siècle, c’est moins grâce aux innovations techniques qu’à des progrès à grande échelle dans les mesures d’hygiène, l’amélioration de l’habitat ou la sécurisation des conditions de travail ». Son espoir dans le monde d’après est encore collectif. « Que le rapport à notre système de santé change, lui qui n’a pas été traité au mieux ces dernières années, voudrait-il voir corrigé. Et que l’on se pose la question : qu’est-ce qui est vraiment important ? » Pas important mais symbolique : Maxime Gignon rêve de pouvoir s’acheter de nouveaux vinyles une fois le déconfinement acté. La barbe pourra alors repousser.

//Antoine Caux