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À la tête de la maison familiale Martigny et président de la fédération des commerçants du centre-ville, Gaël Mordac s’affaire pour le retour de la clientèle. 

PASSION sans modération  © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

13.05.2020

JDA 943

Le dallage de la cave est déjà toute une histoire : ce sont d’anciennes dalles du parvis de la cathédrale achetées par adjudication pour la construction du magasin en 1898. La maison Martigny quittait alors le quai Bélu pour la rue Albert-Dauphin, à deux pas de l’hôtel de ville. Mais dans cette cave, c’est surtout sur quatre barriques de chêne que veille Gaël Mordac, patron d’une institution qui, depuis six générations, fournit vins et spiritueux aux Amiénois. « Ces fûts sont mes bébés. » Qui resteront confinés encore quelques mois : le whisky picard qu’ils renferment, conçu par Gaël Mordac avec une distillerie du Santerre, a été spécialement élaboré pour les 170 ans de Martigny. Le Covid-19 a imposé son calendrier : l’anniversaire attendra, « septembre si tout va bien ».

 

CONFINÉ ET DÉBORDÉ

Le grisonnant caviste de 52 ans conserve son optimisme : « La maison, fondée en 1850, a été fermée durant la Première guerre, incendiée pendant la Seconde. Tout était à rebâtir. Économiquement à l’époque, c’était pire ». Malgré le rideau baissé de la rue Albert-Dauphin (les deux satellites à la Halle au frais et Place Ô Marché ont pu, eux, rester ouverts), un chiffre d’affaires en baisse de 75 %, les foires et salons annulés, il a fallu garder le moral. Et gérer les commandes, les livraisons, les 7 000 références du stock... toute la journée, sept jours sur sept. « Mes enfants m’ont demandé ce que changeait le confinement pour moi ! » Rare distraction : ses séances de sport sur la terrasse de la maison. Pas de quoi toutefois remplacer ses matchs de hockey sur gazon avec son copain Mathieu Morcrette, le directeur du laboratoire de réactivité et chimie des solides (lire ici l’article du JDA #929). « En septembre, nous devions jouer une coupe du monde en Afrique du Sud. C’est reporté à 2021... »

 

DU GEL AVEC SON ALCOOL

Mais cette frustration n’a rien de comparable à celle que vivent les commerçants. Celui qui est aussi président de la Fédération des commerçants du centre-ville (150 enseignes) a maintenu le lien avec eux. « C’est un métier de solidarité spontanée. Nous avons communiqué sur les aides mobilisables, la fiscalité, les besoins en masques, visières... Certains sont en redressement pour passer le cap et préparer l’après. La restauration sera certainement l’activité la plus touchée. » Gaël Mordac, lui, a fait contre mauvaise fortune bon cœur... avec ingéniosité. Aidé d’un pharmacien, il a transformé son alcool destiné à la macération des plantes pour concocter le gin en solution hydroalcoolique. « Jamais je n’aurais imaginé fabriquer du gel ! Pour le conditionner et le distribuer, j’ai raflé tous les pulvérisateurs d’une grande surface ! On a dépanné pas mal de pharmaciens... »

 

ATTIRER À NOUVEAU LES AMIÉNOIS

Ce déconfinement, « ce retour à la vie », Gaël Mordac l’a anticipé avec la Fédération : à partir du 15 mai, une campagne de communication est lancée avec bons d’achat et cadeaux pour redonner envie de « flâner en ville ». Mais il n’est pas encore l’heure de sabrer le champagne. La réouverture, le retour des salariés jusqu’alors en chômage technique, demandent de nouvelles habitudes : « Il va falloir vivre avec ce virus et les gestes barrières. On va démarrer doucement, s’adapter en fonction de l’activité. Et veiller à recréer des contacts malgré les visières, les gants... » La maison Martigny, elle, n’a pas fini de cultiver la devise familiale : “Humer, déguster, sourire”. Même si le sourire se cache derrière un masque.

//Ingrid Lemaire