À chaque Homo ses silex
L’Inrap vient de rendre publiques ses découvertes exceptionnelles faites rue de Cagny : des milliers de silex attribués à l’homme de Néandertal. Explications.
19.11.2025
JDA 1134
1-Pourquoi de telles trouvailles ?
Des sondages opérés rue de Cagny par Jean-François Vacossin et Jean-Luc Lochtont révèlent en avril 2024 des silex du Paléolithique moyen, dans un niveau archéologique âgé d’environ 80 000 ans. Sur prescription du service de l’archéologie de la direction régionale des affaires culturelles, des fouilles approfondies ont lieu de novembre 2024 à février 2025 sous la direction de David Kiefer, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Environ 2 000 silex sont trouvés. Rarissime !
2-Vous avez dit Néandertal ?
En descendant à 6 mètres (!), les archéologues dévoilent cinq strates. La dernière remonte à cent dix mille ans. Soit au début de la dernière ère glaciaire (forêts boréales puis steppes), qui s’est terminée il y a onze mille sept cents ans, comme le Paléolithique. À cette époque vivait l’homme de Néandertal, disparu voilà trente-cinq mille ans. Même « si on a tous une petite part de Néandertal en nous, les Homo sapiens », relativise David Kiefer.
3-Et Saint-Acheul alors ?
La coupe stratigraphique du Jardin archéologique de Saint-Acheul va plus loin, jusqu’à quatre cent cinquante mille ans en arrière. Car avant Néandertal vivait ici l’Homo heidelbergensis, son ancêtre. C’est ce dernier qui a façonné les fameux bifaces du Paléolithique inférieur découverts il y a cent trente ans à Saint-Acheul (à 1 km de la rue de Cagny). D’où le nom d’Acheuléen, qui désigne cette façon de travailler la pierre.
4-Quelles techniques ?
Si Homo heidelbergensis taillait des pierres pour en faire des bifaces, Néandertal, lui, prélevait des éclats dans des blocs de silex. « La façon dont le bloc était préparé permettait de prévoir la forme de l’éclat obtenu, ce qui démontre un plus grand développement cognitif », explique David Kiefer. La grande différence réside dans l’anticipation.
5-Un éternel retour ?
Particularité des silex de la rue de Cagny : certains outils – racloirs –, lames ou pointes portent des traces d’utilisation. « Cela prouve que ces chasseurs-cueilleurs pouvaient s’en servir sur place, par exemple en boucherie », glisse David Kiefer. Néandertal et Homo heidelbergensis étaient tous deux nomades, « avant la généralisation de la sédentarisation au Néolithique, il y a six mille ans ». Mais cela n’empêchait pas des parcours cycliques. D’où le retour fréquent vers ces ateliers lithiques. L’attrait du silex !
Jean-Christophe Fouquet