Il y a cent ans, le Paris-Boulogne déraille à Amiens
Le 13 août 1925, un train arrive trop vite en gare d’Amiens, se disloque et s’embrase. C’est la plus grande catastrophe ferroviaire connue ici : douze morts et 160 blessés.

09.07.2025
JDA 1124
Un dédale de ferraille. Des scènes de chaos. Et parmi cet amas de métal, dont la puissance meurtrière a fracassé les chairs, il y a ce chapeau d’enfant qui traîne encore parmi les décombres quelques heures après le drame, comme le rapporte Le Petit Parisien dans son édition du 14 août 1925.
Un train bondé de vacanciers
La veille, il a fait beau à Amiens. Et en ce jeudi, le week-end du 15 août approchant apporte son lot d’insouciance et d’effervescence. Des trains spéciaux ont été affrétés sur la ligne Paris-Boulogne avec arrêt à Amiens. Dix ans avant les congés payés du Front populaire, il y a déjà ce petit air de vacances dans la gare, non pas l’actuelle mais celle reconstruite à l’identique après 1918, qui voit passer les Parisiens en route vers la côte. 16h21. Le train 313, bondé de voyageurs en 3e classe, arrive aux abords de la gare. Il va vite. Trop vite.
92 km/h au lieu de 40
Le tachymètre révélera une vitesse de 92 km/h au lieu des 40 exigés. La locomotive déraille sur un aiguillage. 18 des 21 voitures quittent les rails, s’encastrent. Selon les témoins, le bruit est terrifiant. Pire, ces vieux wagons réquisitionnés pour pouvoir ajouter des trains vers la mer sont éclairés au gaz. Qui s’enflamme. Le fatras de ferraille devient brasier. L’horreur. Le bilan est terrible : douze morts et 160 blessés.

Seul le conducteur du train sera jugé responsable de la catastrophe.
Scènes de guerre
Les soldats du 51e régiment d’infanterie basé à Amiens sont mobilisés. Les blessés sont évacués à l’Hôtel-Dieu rue Saint-Leu, et à la clinique du Dr Albert Moulonguet, située chaussée Jules-Ferry (qui s’appelait alors la chaussée Périgord). La ville retrouve les images qu’elle a connues dans l’évacuation des blessés entre 1914 et 1918. Le funeste Pierre Laval, alors ministre des Travaux publics, se rend sur place immédiatement. 1925 est une année noire en termes de drames ferroviaires avec onze catastrophes. Quinze jours plus tôt, à Saint-Antoine-du-Richer (Indre), un accident a coûté la vie à 19 personnes. Dès le lendemain du drame amiénois, c’est à Paris qu’un nouvel accident fait quatre morts et 61 blessés. Pour celui d’Amiens, le conducteur de la locomotive Pacific, originaire du Pas-de-Calais, sera jugé seul responsable. Ces gens qui cherchaient un moment de paradis auront pris le train direction l’enfer.
Antoine Caux