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Antoine Grillon, directeur de La Lune des pirates, mythique scène des musiques actuelles, s’est presque fait une raison sur les concerts en 2021. Minuit avant la nuit, son festival du solstice d’été, est déjà annulé. 

La face cachée de La Lune  © Ludo Leleu

03.02.2021

JDA 971

Il est né en 1987, la même année que La Lune des pirates, ce café musical que des artistes autoproclamés “Indiens picards” avaient posé sur le quai Bélu, bien avant les restaurants et les bars qui l’entourent et qui font aujourd’hui la carte postale. Google ne nous avait donné aucun indice sur le millésime d’Antoine Grillon, son directeur depuis 2014. Ce regard gentiment ténébreux de bientôt 34 ans la joue discret. « À base de trois concerts par semaine où j’aime être présent pour prendre le pouls de la salle, j’ai besoin en parallèle de l’aspect “jardin secret”. » Enfin ça, c’était en temps normal, « avant de passer d’une vie sociale dense à plus rien », s’étonne-t-il encore au milieu d’une Lune déserte et muette. Enfin presque, quelqu’un joue de la perceuse à l’étage.

 

LUCIDE

Bientôt un an sans concert. Pour retrouver une telle disette, Antoine Grillon doit remonter à ces années collège. Premier souvenir de scène devant Noir Désir. Le vent de la pandémie a emporté 2020, passée à « construire des trucs que l’on démontait ensuite... », et déjà une partie de 2021. Adieu notamment le festival Minuit avant la nuit de la mi-juin. « J’ai banni le mot concert de mon vocabulaire. Je ne programme plus rien. » Par fatalisme autant que par lucidité. La voix est douce, le débit bas, l’argument implacable : « La culture, c’est l’inverse des mesures barrières et de la distanciation sociale... On vient à La Lune pour migrer entre le bar, l’espace fumeur, le concert... La philosophie de La Lune, c’est un rapprochement social incompatible avec le virus ». Un virus qui n’empêchera pas Amiens Métropole de lancer à l’automne, rue Saint-Leu, la construction de la deuxième Lune, plus grande, qui viendra compléter la première à partir de 2023. Son bébé, quelque part.

 

ARDÉCHOIS

Il n’a que 26 ans quand il atterrit à Amiens et prend la tête d’une institution locale « à l’historique fort ». Il salue encore la prise de risque de Catherine – il dit « Cathy » – Lepot, la présidente de l’association et gardienne du temple. Ce joueur de batterie et de trombone n’avait jamais alors atteint ces latitudes. Naissance en Haute-Savoie. Enfance en Ardèche. Études d’histoire à Grenoble. Microexpérience de pigiste au Dauphiné Libéré, sans suite. Il sera plus à l’aise pour organiser des concerts sur le campus. Un master 2 direction artistique de projet culturel à Montpellier plus tard, il passera deux ans à Cannes dans une salle labellisée scène de musiques actuelles. Avant celle d’Amiens.

 

DÉFRICHEUR

Son travail, c’est programmer des concerts, dénicher des talents, mais aussi développer des actions avec des écoles ou la maison d’arrêt... Ce cycliste du quotidien (qui met aussi le gros braquet pour se vider la tête loin de la ville) veut abattre les cloisons entre les styles musicaux. Défend un prisme large. Traque sans cesse la nouveauté. « Le kiff, c’est l’artiste qui fait le petit pas de côté pour t’emmener dans son univers », image ce jeune père de famille et amateur de vin. Il se souvient d’avoir assuré la sécu dans la fosse lors d’un concert bordélique (et donc inoubliable) de Salut C’est Cool. Ne veut pas trop se la raconter d’avoir décroché la première date française de Cigarettes after Sex. Le mérite en reviendrait à La Lune : « Sans doute l’un des cinq plus beaux endroits de France pour un concert ». Vivement le monde d’après. « J’espère qu’il y aura l’enthousiasme d’après. »

//Antoine Caux