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L’amiénois Ludo Leleu fut l’un des rares à s’aventurer dehors pendant le confinement. Témoignage insolite d’une période inédite. 

Hors des clichés battus  © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

24.06.2020

JDA 949

Sur une bande-son jazzy piochée parmi les centaines d’albums qui couvrent les murs et jonchent le sol, Ludo Leleu nous reçoit dans son antre. Tout ici respire la culture : celle de l’image, celle de la musique. Dans l’attente fébrile d’une livraison de livres d’art, il a opté pour un rendez-vous chez lui. Pour mieux analyser aussi cette période de confinement que ce photographe n’aura pas vécue comme les autres. « L’agence lilloise avec laquelle je travaille m’a fourni une autorisation de déplacements. J’ai pu sortir quand je voulais. Ce luxe m’a permis de relativiser. Je venais de m’acheter un Leica, la Rolls-Royce des appareils photo. Le confinement a bouleversé mes réflexions et nourri mon approche de la photo. »

 

SEUL À MONTMARTRE

 Pendant son road trip, la France était confrontée durant cinquante-cinq jours à la plus inédite de ses épreuves. Ses paysages immortalisés du littoral nord jusqu’à un Paris abandonné exhalent la beauté du silence « sublime et angoissant ». Sa page Facebook et son compte Instagram en témoignent. Un jour d’orage plongeant l’horizon maritime dans une lumière bleutée, une étendue de sable immaculé, un axe autoroutier inanimé, Saint-Valery-sur-Somme déserté... Et Paris ! « Je me suis retrouvé seul à Barbès, seul à Montmartre. Ces moments improbables me procuraient un sentiment de vide. Les Parisiens étaient là, mais derrière leurs fenêtres. Dans trente ans, mes photos rappelleront l’horreur de cette période et le bonheur paradoxal de les avoir prises. »

 

TÉLÉRAMA, LE MONDE...

 Cet admirateur d’Henri Cartier-Bresson, Joel-Peter Witkin et Walker Evans a vu ses clichés du jongleur Jérôme Thomas publiés dans Télérama, ceux des Rita Mitsouko dans Le Monde et son reportage sur les émeutes du quartier nord d’Amiens en 2012 dans Marianne. Ses plus grandes fiertés ? Ses portraits de Claude Chabrol, Jean-Pierre Marielle ou Bill Wyman, l’emblématique bassiste des Rolling Stones. Mais l’oiseau de nuit qui capture depuis vingt ans les artistes à La Lune des pirates ou au Zénith se dessine de nouveaux rêves. Car c’est finalement depuis le déconfinement que sa vie est suspendue. Ses collaborations (Maison de la culture, Comédie de Picardie, Festival de Saint-Riquier) sont figées. Et lui, de rester prudent pour la suite. Même s’il couvre actuellement le Festival des forêts de Compiègne et que le monde culturel s’ouvre à de nouvelles perspectives.

 

RENOUER AVEC LA CONTEMPLATION

 Ludo Leleu, formé à l’École supérieure des arts Saint-Luc en Belgique, s’interroge aujourd’hui sur « l’illusoire et le superficiel ». Pour cesser de « [s’]embrouiller avec [lui]-même », renouer avec « la contemplation qui manque à notre époque ». Et retrouver la jubilation de ses 10 ans devant son premier Polaroid. Les mots butent pour traduire sa sensibilité artistique que seules les images révèlent. Pour l’exprimer, des projets attendent leur heure. Comme il aura dû encore attendre ses précieux ouvrages, pas livrés ce jour-là ! La patience, la qualité des meilleurs photographes.

//Ingrid Lemaire