« Jusqu’à 26 couches de peinture »
À partir du 28 novembre, la cathédrale retrouve chaque soir ses peintures originelles dans la deuxième partie du spectacle Chroma. Décryptage avec le guide conférencier Sébastien Sireau.
26.11.2025
JDA 1135
JDA : Après une première partie enchaînant des tableaux animés, Chroma restitue dans un second temps une façade de cathédrale totalement peinte. Elle est là aussi la magie...
Sébastien Sireau : On oublie parfois que le spectacle originel, c’est ça : la colorisation des portails. Des couleurs que l’on a retrouvées. Des couleurs qui ont évolué avec le temps. Mais aussi des couleurs pour lesquelles on a formulé des hypothèses. Car lorsqu’on a nettoyé la cathédrale au laser en 1992, on n’a pas retrouvé la couleur de chacun des éléments.
D’autres parties, en revanche, ont été peintes et repeintes au cours du temps...
On a retrouvé jusqu’à 26 couches de peinture sur le portail de la Mère-Dieu !
La vierge qui, elle, est indissociable du bleu...
Le bleu au XIIIe siècle est devenu la couleur mariale par excellence. Auparavant, Marie était plutôt vêtue de couleurs sombres pour symboliser le deuil de son fils. Mais, depuis le XIIe siècle, les noirs, les gris, ont été remplacés par le bleu pour vêtir la Vierge. Ça deviendra ensuite la couleur à la mode, celles des puissants et donc des rois alors que, sous l’Antiquité, le bleu est ignoré voire méprisé...
Quelle autre interprétation pouvez-vous donner sur les couleurs de la façade ?
Le vêtement du Beau-Dieu montre des traces vertes. Comme dit Michel Pastoureau (historien des couleurs qui apporta son expertise au spectacle, ndlr), il y a le bon vert et le mauvais vert. Le vert incarne d’un côté l’instabilité. Nous aurons donc des scènes symbolisant les vices comme cet homme un peu trop proche d’une femme. Et puis il y a le bon vert : le vert tendre, celui des cycles de l’année, des jours ordinaires du clergé. Un vert qui sera souvent associé au rouge dans les gammes chromatiques du Moyen Âge.
Pourquoi a-t-on arrêté de peindre la cathédrale ?
Il n’y a pas une seule et unique raison. Il y a la peste noire (1347-1352) et surtout la guerre de Cent Ans (1337-1453, ndlr). Tout est désorganisé, on manque de main-d’œuvre. On n’engage plus de chantier : il y a tout de même plus de 400 personnages sculptés... D’ailleurs, on peut préciser que les couleurs ne tiennent pas si bien que cela. Surtout sur la façade ouest. Il y a du vent... C’est ensuite l’essor du protestantisme. Il y a alors un courant de pensée qui critique l’ostentatoire : la couleur est mal vue.
Propos recueillis par Antoine Caux
| Chroma Du 28 novembre au 28 décembre, à 19h07 (après l’Angélus), place Notre-Dame Gratuit |