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C’est la dernière des églises amiénoises désacralisées à la Révolution à être encore partiellement debout. Les archéologues d’Amiens Métropole viennent d’ausculter l’église Saint-Sulpice et ses abords, rue Saint-Leu. Découverte éclairée par la lanterne de Richard Jonvel, qui dirigeait le chantier.

Dans les entrailles de Saint-Sulpice © Laurent Rousselin

02.05.2023

LES LIEUX

On nomme communément l’endroit “friche Benoît” en référence à l’entreprise textile qui fut le dernier occupant de la parcelle jusqu’en 2006. Un secteur dont le service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole vient de diagnostiquer 5 800 m2 entre la rue Saint-Leu (à l’ouest), le canal des Minimes (au sud), celui des Clairons (au nord) et l’école doctorale sciences, technologies et santé de l’université de Picardie Jules-Verne (à l’est). L’endroit est repérable de loin grâce à sa cheminée industrielle, inscrite au titre des monuments historiques – la dernière du cœur de la ville. Un projet immobilier d’environ 200 logements y est attendu. D’où le diagnostic effectué ce printemps, après une première étape en 2020 non poursuivie en raison de la crise sanitaire. Des démolitions ont été opérées entre-temps. Une nouvelle campagne de fouilles approfondies est probable, notamment sur le bâti en élévation de l’église.

LES ÉPOQUES

L’occupation remonte à l’époque gallo-romaine. Au XIVe siècle, un hôpital laïque voit le jour : Saint-Jacques, qui possédait néanmoins une chapelle. Une partie de cet hôpital deviendra au XVIIe le vaisseau sud de l’église Saint-Sulpice (actuellement, un logement privé), relocalisation en 1604 rue Saint-Leu d’une paroisse évacuée en 1598 par la construction de la citadelle souhaitée par Henri IV. À l’autre bout de la parcelle fut érigé en 1493 le couvent des Minimes, à l’emplacement de l’actuelle école doctorale. Au XVIIIe, l’essentiel de l’îlot avait donc une vocation religieuse. Après la Révolution, le secteur mélange habitat et activité économique, en conservant une partie de Saint-Sulpice. L’industrie va fleurir à côté de ce vestige, notamment la vinaigrerie Brulé, en vis-à-vis du moulin Passe-Avant, puis les établissements Benoît. Plus de détails ici.

Se repérer © Laurent Rousselin
Se repérer :image orientée vers l’ouest, dos à l’école doctorale. À gauche (sud), la cheminée longeant le canal des Minimes, témoin d’une activité métallurgique au XIXe siècle. En face de la tranchée : du bâti industriel, également inscrit au titre des monuments historiques. Entre ce dernier et les tractopelles, on aperçoit un pan nu de l’église Saint-Sulpice (parallèle à la rue Saint-Leu), inscrite elle aussi. À droite (nord), le long du canal des Clairons, se trouve le reste du bâti industriel. Il va être démoli.
Antan, un couvent © Laurent Rousselin
Antan, un couvent : contrechamp de la photo précédente, avec l’école doctorale en ligne de mire. Il faut s’imaginer, ici, les jardins de l’ancien couvent du XVe siècle et ceux de Saint-Sulpice, ainsi qu’un cimetière. Les tranchées n’ont pas révélé suffisamment d’éléments significatifs pour que des fouilles plus poussées ne soient actuellement envisagées. Une manufacture de lin se trouvait également à cet endroit.
Une rangée d’habitat © Laurent Rousselin
Une rangée d’habitat : avant qu’un mur ne longe le canal et que la cheminée ne soit construite à la fin du XIXe siècle, se trouvait une rangée d’habitations postérieure à la vente comme biens nationaux des possessions religieuses suite à la Révolution.
bâtiments conservés © Laurent Rousselin
Bâtiments conservés : image orientée sud-ouest, prise au niveau du vaisseau nord de l’église Saint-Sulpice. Les bâtiments industriels de la vinaigrerie et moutarderie Brulé, installée en 1864, doivent être conservés. L’édifice à gauche date de 1901.
À côté du moulin © Laurent Rousselin
À côté du moulin : contrechamp de l’image précédente. Une vue imprenable sur le moulin Passe-Avant.
Au chœur de l’église © Laurent Rousselin
Au chœur de l’église : photo prise à l’emplacement du chœur de l’église Saint-Sulpice. À gauche (sud), des voûtes en tiers-point, datant probablement de l’hôpital Saint-Jacques. À droite (nord), des voûtes en berceau, correspondant à l’extension du XVIIe siècle suite à l’installation de l’église.
Cimetière intra-muros © Laurent Rousselin
Cimetière intra-muros : les archéologues ont retrouvé des sépultures sous la nef de l’église, à l’emplacement de la future résidence étudiante. L’inhumation dans les églises paroissiales ne fut interdite pour des raisons sanitaires qu’à la fin du XVIIIe siècle.
Saint-Sulpice découpée  © Laurent Rousselin
Saint-Sulpice découpée : dans le sillage de la Révolution française les voûtes furent murées et les colonnes rectifiées pour la revente de l’église Saint-Sulpice en plusieurs lots à des fins d’habitation, de commerce et d’artisanat. Un cas unique à Amiens, les autres églises désacralisées ayant disparu, souvent pour créer des places publiques. Exemple : l’église Saint-Michel, sous l’actuelle place du même nom et la statue de Pierre L’Hermite.
Traces polychromiques © service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole
Traces polychromiques : Les murs de l’église recèlent des surprises, à l’image de ce petit bas-relief conservant des traces de polychromies.
Jusqu’aux Gallo-Romains © Laurent Rousselin
Jusqu’aux Gallo-Romains : au nord de l’église, juste avant le moulin Passe-Avant, une tranchée a révélé une cave du Moyen Âge, mais aussi des traces d’habitat romain. Leur existence n’était pas encore attestée aussi loin le long de la voie romaine (la voie d’Agrippa) qu’était la rue Saint-Leu. Cette dernière devait donc posséder des habitations de part et d’autre sur toute sa longueur dès l’époque romaine. Une sorte de “ville-rue” antique.

Bonus © Laurent Rousselin
Bonus : depuis la cessation de l’activité industrielle, l’endroit a été régulièrement visité par des street artistes.

Jean-Christophe Fouquet