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Frédéric Vimeux, au nom du père et de la Picardie

Avocat à Seattle, ce self-made-man, fils du célèbre correspondant du Courrier picard Jean Vimeux décédé en janvier, reste attaché à sa ville natale.

Vimeux © Laurent Rousselin / Amiens Métropole

04.04.2023

Un Vittel menthe en terrasse malgré les gouttes. « Vous savez, je viens du nord-ouest américain, niveau pluie et vent, j’ai l’habitude. » Frédéric Vimeux joue pourtant à domicile, à Amiens, place de l’Hôtel-de-Ville, où il semble reconnaître un badaud sur deux. Y compris Mario Richer, l’entraîneur de hockey sur glace, à qui il demandera un selfie : « Je suis à fond les Gothiques, l’ASC… ». Installé aux États-Unis depuis vingt-neuf ans, l’avocat revient deux à trois fois par an, dans son premier chez lui, « mon cœur est resté ici ». Il est, hélas, un voyage dont il aurait voulu se passer quand début janvier, son père Jean, ancien correspondant du sud amiénois pour le Courrier picard, qui rentrait justement de Seattle, est décédé brutalement à 79 ans. À cette évocation, l’émotion est à fleur de peau. « On avait beau être loin, on s’appelait trois fois par jour. C’est l’une des déchirures de tout immigré, d’avoir le cul entre deux chaises, de ne pas avoir ses proches toujours auprès de soi… »

Frédéric Vimeux a des airs de Loïc Peyron, le navigateur. Il a un jour largué les amarres, au sortir de l’armée, pour suivre une belle Américaine rencontrée sur les pistes d’athlétisme de l’Amiens Université Club. L’étudiant en droit devait y rester six mois, pour traverser les États-Unis d’est en ouest. Cela fera bientôt trente ans. Depuis, il a bourlingué. Trente-quatre pays visités professionnellement. Mais toujours une même boussole : son père. « J’ai besoin de mes racines. Et mon père était le rappel de ces racines. »

 

Saisir sa chance

 

Sur le papier, rencontrer un Amiénois devenu avocat à Seattle sentait le destin tout tracé. Objection, votre honneur. Frédéric Vimeux, c’est un bac G, obligé, celui qu’a défoncé Michel Sardou dans sa chanson. C’est un professeur de mathématiques qui le traite de « taré ». C’en est un autre heureusement qui lui dit : « Tu as quelque chose », suite à une dissertation en droit. « Le système éducatif est très dur en France. Il peut casser beaucoup d’enfants comme moi, qui ont une maturation différente ou plus tardive. » 

 

Direction quand même la fac. Les bonnes notes arrivent. « Mon père était en pleurs. Lui n’avait pas eu cette opportunité. Je devais saisir cette chance. » L’armée vient toutefois stopper la scolarité. À l’issue, l’appel de la copine américaine se fait pressant. Frédéric obtempère. Fini le droit. Place aux petits boulots, façon légende américaine. « J’ai tout fait, et avec un anglais à l’accent picard » : serveur… et même gamer pour Nintendo. 

 

« J’ai un côté Rambo, avec beaucoup de cicatrices »

 

Le natif d’Amiens finit par atterrir aux autorités portuaires de Seattle. Les qualités de juriste sont là. « Pourquoi ne ferais-tu pas avocat ? », questionne un proche américain. « Mais c’est impossible », répond alors Frédéric. Le rêve américain est en marche. L’homme obtient une bourse pour une université dans l’État de Washington, ambiance pick-up et chapeau Stetson. « Moi, je paraissais très exotique. On m’appelait the froggy. Ça a longtemps été mon nickname (“surnom” en anglais, ndlr). »

 

Aujourd’hui, Frédéric Vimeux est inscrit au barreau de New York, est chargé de grands contrats T-Mobile et continue d’avoir son cabinet. « Quand les Américains découvrent que vous êtes un avocat français, ils transposent l’imaginaire d’Emily in Paris (série Netflix qui cartonne, ndlr), vous visualisent plutôt dans le XIVe arrondissement. Alors ça les surprend quand, en déplacement professionnel entre Paris et Bruxelles je les emmène manger dans une friterie sur le bord de la route ! » Il se définit comme « un avocat cul-terreux ». Clin d’œil au père. « Je me suis souvent cassé la gueule. J’ai un côté Rambo, avec beaucoup de cicatrices. » Fier de ne pas être sorti des grandes écoles, il renvoie encore au paternel qui, selon lui, « s’est découvert une autre vie en devenant correspondant au Courrier picard ». 

 

De son pays d’adoption, il aime son pragmatisme. « Les Américains s’adaptent. Comme moi, parce que j’ai dû m’adapter en tant qu’immigré. » Parmi les reproches ? « Un certain nombrilisme. Cet America first. » Le Vittel menthe touche à sa fin quand il explique la disparité d’un si grand pays, d’un État à l’autre. Mais concède : « L’accès à la santé pour un pays si développé est anormal. Et puis le recul sur l’avortement, surtout en tant que papa de deux filles ». Deux filles américaines qui raffolent d’une frite sur la route du Cap Hornu à Saint-Valery-sur-Somme. Et qu’il a déjà briefées pour son ultime voyage. Ce sera à Neuilly-l’Hôpital. Près de son père. 

Antoine Caux