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Les jardins du Musée de Picardie vus par la paysagiste Delphine Elie

Delphine Elie, paysagiste en charge de la refonte des jardins du Musée de Picardie (2015-2019), revient sur ce projet complexe – 3 855 m2, six types de jardins. Maitre mot : la visibilité.

Cour d'honneur et ses bassins © Laurent Rousselin

27.06.2023

Comment avez-vous appréhendé le chantier de rénovation du Musée ?

Ma première approche a été de faire le tour de la ville, sans aller directement au Musée. Et après, seulement, de me rendre sur les lieux. Pour comprendre leur fonctionnement, l’environnement du Musée, comment il résonne avec les espaces publics.

 

Que pensez-vous du Musée de Picardie ?

C’est un endroit magnifique : la rotonde Sol Lewitt, les grands salons, la salle des sculptures…. Son architecture est assez particulière, avec une façade baroque très décorée et un arrière sobre, articulé autour de la brique.

Dans quel état se trouvaient les extérieurs ?

Je les trouvais un peu tristounets, ils avaient vieilli, notamment l’arrière. Et les bassins de la cour d’honneur étaient recouverts de terrasses en bois. Cela manquait d’individualité. Mais, d’un point de vue de paysagiste, c’était très porteur d’espoir !

 

Quel fil directeur avez-vous suivi ?

Le projet général de la rénovation était de rouvrir le Musée sur la ville, avec la mise en place d’un musée traversant depuis les rues Puvis-de-Chavannes et Jules-Lardière. Et donc de déplacer l’entrée principale de la cour d’honneur vers la rue Puvis-de-Chavannes et le pavillon Maignan. L’ensemble des extérieurs devait participer à la qualité des espaces publics et des parcours du Musée. Au début, nous avions envisagé un grand bassin dans la cour d’honneur, au pied de la façade. Comme un miroir, une vitrine. Cela a changé par la suite et nous avons proposé une réinterprétation de la cour d’honneur du XIXe siècle (l’endroit est néanmoins devenu un lieu de passage, ndlr).

 

Pourquoi avoir enlevé ces grilles latérales ?

Cela a élargi la vision. Avant, elles agissaient comme une deuxième façade, opaque. Le Musée a beau être surélevé, il était engoncé. Désormais les accès sont dégagés et on y voit des massifs plantés de tous côtés.

 

Dans la cour d’honneur, vous avez travaillé autour de l’eau ?

Les pierres des deux bassins ont été déposées une par une et restaurées, le système hydraulique refait, les fonds de bassins également. Comme un retour aux sources de cette cour. À partir de là, j’en ai fait une interprétation plus contemporaine. D’un point de vue technique, le jardin est inondable, il récupère les eaux de la toiture. Le béton n’est qu’une fine couche du “gâteau”. En dessous il y a 60 cm de mélange terre-pierre, un substrat adapté aux plantes.

 

Comment avez-vous conçu cette nouvelle cour ?

En me basant sur une géométrie régie par la façade et le motif de l’exèdre, semi-circulaire, qui se retrouve de chaque côté de la cour d’honneur. Sur deux axes de symétrie : avec la rue de la République et celle de la rue Puvis-de-Chavannes. Ces arcs de cercles renvoient aussi aux bassins et aux griffons.

 

Il s’agissait d’articuler végétal et minéral ?

Je voulais des plantes à diverses hauteurs, jusqu’à un mètre, pour s’immerger, assis sur une chaise, un fauteuil. Et ainsi être enveloppé de verdure mais en gardant de la visibilité. Tout en mixant des vivaces, des persistantes et des annuelles. Avec des floraisons fortes, des thématiques. Un jardin, c’est très vivant, et cela évolue en fonction des jardiniers.

 

Avec ce projet, il y a de la végétation en toiture, en patio, en promenade latérale, en jardin intérieur, en cours, en parvis. Ce fut enrichissant ?

C’était génial ! Par exemple, le parvis de la rue Puvis-de-Chavanne, le jardin Lardière et le jardin en toiture sur le pavillon Maignan – le jardin de l’Impératrice – correspondent aux salons du bâtiment. Comme des “chambres vertes”. Les extérieurs revnoient aux intérieurs.

 

La visibilité vous tenait à cœur ?

Je voulais que le regard puisse traverser les espaces, les pièces. Qu’il fonctionne par ricochets, un peu à l’anglaise. Que d’un des trois jardins (Chavannes, patio de bouleaux, Lardière, ndlr) se dessinent toujours les deux autres. Un peu comme des tableaux se faisant écho. Le jardin suspendu est d’ailleurs conçu comme un tableau vu de la fenêtre de l’impératrice, avec du relief, des buttes, qui s’inspirent du milieu forestier.

 

Vous avez travaillé sur différents projets (abbaye, lycée, centre d’art). Amiens aura été votre premier musée. Est-ce différent ?

En tant que paysagiste, chaque projet est différent. Même si j’avais fait d’autres musées avant, cela n’aurait pas été la même chose. Tous ces lieux ont une histoire, une identité propre sur laquelle on se base pour travailler. C’est toujours passionnant.

 

Êtes-vous satisfaite du résultat ?

Ce fut un projet très technique, j’y ai passé quasiment dix ans de ma vie, entre le concours en 2011 et la réception en 2020. Comme les autres, j’y tiens beaucoup, c’est un peu mon bébé. Je ne suis pas retournée au Musée de Picardie depuis deux ans, mais je vais y emmener mes parents cet été !

Propos recueillis par Jean-Christophe Fouquet

 

La paysagiste Delphine Elie © DR

 

 

 

Ont été plantés

Six arbres

19 grands arbustes

7 600 arbustes, fougères et vivaces

8 500 bulbes

 

Les six jardins

• Le jardin suspendu sur le toit du pavillon Maignan (le jardin de l’Impératrice), 335 m2.

A - Jardin suspendu © Laurent Rousselin

 

• Le jardin du parvis d’entrée, rue Puvis-de-Chavannes, 440 m2.

B - Parvis de Chavannes © Laurent Rousselin

 

• Le jardin Lardière (en symétrie du parvis d’entrée), rue Jules-Lardière, 470 m2.

C - Jardin Lardière © Laurent Rousselin

 

• Le jardin de la cour d’honneur, 1 650 m2.

D - Cour d'honneur © Laurent Rousselin

 

• Le jardin de bouleaux et de mousses du patio, 80 m2.

E - Patio © Laurent Rousselin

 

• Les jardins latéraux sur les chaussées hautes des rues Jules-Lardière, 415 m2, et Puvis-de-Chavannes, 465 m2.

F - Passage latéral côté Lardière © Laurent Rousselin