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Sylvie Baillon, Marionnette, silence et totem à paroles de Patrick Boutigny vient de sortir aux éditions Invenit. Il raconte le parcours de la compagnie Ches Panses Vertes depuis sa fondation en 1979, la création du Tas de sable et sa labellisation prochaine en Centre national de la marionnette. Rencontre avec Sylvie Baillon, metteure en scène et figure indissociable de cette grande aventure artistique.

Portrait Sylvie Baillon © Laurent Rousselin

13.06.2023

JDA : Pourquoi cet ouvrage ?
C’est deux ans de boulot. C’est Patrick Boutigny directeur artistique du festival de la marionnette de Dives-sur-Mer de 1990 à 2010, créateur en 2004 du Centre régional des arts de la marionnette en Basse-Normandie et coordinateur des Saisons de la marionnette, ndlr)qui en avait envie. Cela correspondait bien au moment où on en était et où j’en suis. Mon avenir professionnel est derrière moi ! À 63 ans, je vais bientôt prendre ma retraite tout en gardant des missions et un pied dans la compagnie qui n’est pas qu’une histoire de famille (Elle fut fondée par son père Georges Baillon en 1979, ndlr). C’est dans l’ADN du Tas de sable que d’être transmissible. J’ai fait ma part, il faut faire place aux jeunes. En dehors de cette question, il était important que je fasse le point.

Il sort trois ans après la pandémie de 2020. Est-ce aussi une étape clé dans votre parcours ?

Ça a été très spécial. On a eu le temps de se reposer malgré tout. En janvier 2021, j’ai créé l’opéra Bastien et Bastienne de Mozart à l’Opéra de Lille en collaboration avec l’Orchestre de Picardie. Et nous avons été reconfinés. Le spectacle a été joué deux fois devant dix personnes et sa tournée a été annulée. Il est impossible à reprendre. C’est trois ans de boulot réduit à néant. Ça m’a profondément touchée. J’ai eu le sentiment que jamais je ne pourrais mener un autre projet. Je n’avais plus envie. C’était le vide total. Pourquoi monter un spectacle ? La création c’est un engagement, du temps… Et puis la labellisation du tas de sable en Centre national de la marionnette a également été retardée. Ces dernières années n’ont pas été simples.

Cette sortie arrive donc à point…

C’est extrêmement réparateur. Ce livre marque un nouveau chapitre. C’est l’envie de dire : regarde ce que tu as fait, ce n’est quand même pas rien. C’est une vie magnifique, riche et foisonnante. C’est un métier où on a la chance de rencontrer des tas de gens formidables, des auteurs contemporains avec lesquels nous sommes devenus complices. Ils déplacent mes idées. Un metteur en scène n’est pas quelqu’un de pouvoir. La création, c’est des échanges de points de vue. C’est passionnant. Ce que j’aime dans la langue des auteurs, c’est lorsque le poétique et le politique se mêlent. Un spectacle est toujours une question et une prise de position. Patrick Boutigny connaît très bien notre travail artistique et mon côté militant. Ce premier livre pour lui était une évidence.

 

Marionnettes Chés Panses Vertes © Laurent Rousselin

Comment a-t-il été élaboré ?

Je n’ai pas participé à l’écriture. C’est vraiment Patrick Boutigny et Éric Goulouzelle (co-responsable artistique de la compagnie, plasticien, marionnettiste et comédien, ndlr) qui ont élaboré l’ouvrage. J’en connais encore à peine le contenu même si nous avons eu plusieurs entretiens. C’est une question de confiance. Éric a fait une énorme recherche iconographique. Nous sommes en même temps dans une démarche de récolement et de patrimonialisation de notre fonds. De 1982 à aujourd’hui, nous avons toutes les marionnettes, les costumes... Véronique Lespérat-Hequet (artiste et photographe de la compagnie) a également créé le portfolio. Je n’ai finalement lu que quelques passages. Je suis presque gênée. Ce livre est un travail collectif car ce sont aussi des gens. Je me considère juste comme le porte-parole d’un lieu et quelqu’un qui cristallise les énergies.

 

Retrace-t-il l’histoire d’un héritage ?

C’est compliqué. Mon père a fondé la compagnie avec ma mère. Je voulais faire du cinéma. Jusque 1991, j’ai travaillé avec lui. Mais fin des années 80, on était en désaccord avec la mise en scène que je faisais. Mais comme c’est lui qui portait la compagnie, ce n’était pas simple. Je lui ai alors demandé de choisir : c’est toi ou moi. C’était un coup de poker. Une fois les choses posées, il a très bien compris. C’était une façon de se détacher et une manière pour chacun de retrouver sa place. Alors oui c’est un héritage familial mais c’est aussi une très grande rupture. L’ouvrage vient affirmer que Le Tas de Sable-Ches Panses Vertes est une énergie et un énorme investissement et que ce que nous y faisons n’est pas une blague.

décor 1 © Laurent Rousselin

 

Le Tas de sable - Ches Panses Vertes, lieu de création, de production, d’expérimentation, de recherche et de formation, est devenu une vraie référence…

Dès 1995, j’ai écrit le projet de cet outil qui doit perdurer au-delà de nous. En France, il n’existe que six centres nationaux du genre. Il est un élément fort d’attractivité et de poids économique pour le territoire. Cela participe au rayonnement d’Amiens jusqu’à l’international. Nous avons des partenariats avec le Sénégal, l’Inde, la Lituanie et bientôt avec le Liban. Nous accueillons beaucoup d’artistes étrangers en compagnonnage qui s’inscrivent dans un parcours professionnel.

 

Parmi la trentaine de créations, il y a Une tâche sur l’aile du papillon, projet révolutionnaire conçu en réalité augmentée en 2017. Avez-vous poursuivi en ce sens ?

Dans mon travail, je fabrique les marionnettes dont j’ai besoin. Il se trouvait là que cette marionnette correspondait à celle dont je rêvais. On a travaillé avec l’Esad mais ce projet novateur a été suspendu, marqué par nos limites en termes de temps, de moyens humains…

C’était un spectacle techniquement monstrueux. Ici, nous sommes huit salariés pour développer l’ensemble de nos projets avec nos partenaires. C’est chouette mais cela demande du temps. Ici, c’est vraiment un lieu de travail. Je tiens à cet endroit protégé que j’ai créé afin que les artistes aient le moins de pression possible et ne soient pas dans des injonctions.

Ingrid Lemaire

 

Sylvie Baillon, Marionnette, silence et totem à paroles de Patrick Boutigny sera officiellement lancé pendant le Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières du 16 au 24 septembre. Il est dès à présent disponible auprès du Tas de sable - Ches Panses Vertes (1 bis, rue d’Allonville, 80136 Rivery - info@letasdesable-cpv.org - 03 22 92 19 32). letasdesabble-cpv.org

 

Fabrication marionnette  © Laurent Rousselin