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Eugène LE POITTEVIN, Les Naufragés, 1839 © Gauthier Gillmann / Musée de Picardie © Gauthier Gillmann / Musée de Picardie

Eugène Le Poittevin, "Les Naufragés"

Eugène LE POITTEVIN, Les Naufragés, 1839 © Gauthier Gillmann / Musée de Picardie © Gauthier Gillmann / Musée de Picardie

Eugène Le Poittevin (Paris, 1806 - id., 1870)

Les Naufragés
1839

Huile sur toile
H. 229 cm ; l. 313 cm
Inv. M.P.2004.17.151
Dépôt de l’État, 1863 ; transfert de propriété, 2004

 

L'expédition scientifique organisée de 1838 à 1840 en Scandinavie par le ministère de la Marine, avec à son bord une équipe européenne, trouve un écho immédiat dans la culture visuelle de la monarchie de Juillet. Dès son premier voyage, la corvette La Recherche ramène récits, relevés et spécimens sur lesquels va se construire l’engouement pour le Grand Nord. Au Salon de 1839, deux artistes puisent dans ce monde de glace le sujet de tableaux avec lesquels ils espèrent capter l’attention d’un public friand d’émotions fortes. Auguste Biard, qui s’apprête à accompagner comme peintre officiel l’expédition de juin 1839, et Eugène Le Poittevin, peintre de marine féru de sujets pittoresques, choisissent tous deux de représenter un naufrage dans les eaux de Laponie, relatant le combat d’une embarcation de fortune livrée à une attaque d’ours blancs après vingt-trois jours d’errance dans le rude climat du Pôle, comme le précise le livret du Salon. 

Tandis que Biard (tableau au Nordnorsk Kunstmuseum) confronte à combat égal trois naufragés à trois ours dans une lutte qui verra bientôt la libération des hommes, Le Poittevin exploite pleinement le potentiel dramatique du sujet en suggérant l’horreur de la scène à venir. Avec pour seules armes un harpon et une machette, les naufragés déjà affaiblis par le froid s’engagent dans une lutte désespérée dont le spectateur ne peut que deviner l’issue fatale. Pour renforcer le sentiment dramatique, le peintre choisit non pas l’instant sanglant, mais, dans un effet de suspense, celui où le sort bascule, alors qu’une fin inéluctable se dessine avec l’arrivée à l’horizon de trois ours qui se confondent avec l’écume des flots. La bouteille jetée à la mer, le début de putréfaction qui semble toucher l’homme du premier plan – évoquant jusqu’à la citation Le Radeau de la Méduse de Géricault (1819) –, sont autant de détails qui construisent la tension de la toile. Envoyé par l’État en 1863 pour l’ouverture du Musée de Picardie, puis resté roulé en réserve depuis 1918, le tableau a été restauré en 2015 et redevient aujourd’hui l’une des œuvres les plus fortes du romantisme français.

Olivia Voisin